dimanche 28 août 2022

67 - Lune creuse

Je t'aime et te hais toi la Lune au teint lumineux et au coeur de pierre, toi l'astre d'or jaloux de ta face cachée, toi la claire présence aux obscurs desseins, toi la lueur qui vagabonde au firmament en créant des ombres nocturnes sur notre monde, toi la radieuse apparition de la nuit qui fait stérilement espérer des merveilles aux naïfs insomniaques, toi la flamme céleste qui alimente les âmes crédules de mensonges romantiques.
 
Tu encourages les niaiseries des mirlitons et brises les rêves des dormeurs au sommeil léger. Que de sornettes sorties sur papier glacé en ton nom !
 
Tes admirateurs te croient aérienne, mystérieuse, subtile. Tu es obèse, banale, grossière !
 
Ils te prennent pour l'incarnation de la Poésie, tu n'es qu'un caillou insensible, une pure mécanique lourde et laborieuse qui tourne bêtement autour de la Terre.
 
Avec ton visage amorphe, tu ressembles à ce que tu es : une vaste platitude.
 
Tu es une imposture, un mirage, un feu de toc, une invention de va-nu-pieds !
 
Tu ne possèdes aucune des qualités qu'on te prête, tu es une tromperie dans les nues, un artifice au-dessus de nos toits, une légende dans la tête des hommes, rien qu'une fumée.
 
Mais c'est justement pour cette raison que je brûle pour toi, tout en te détestant : parce que tu es comme une femme terne qui, vue de loin, sous son voile domestique couvert de poussière, prend des allures brillantes.
 
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