lundi 25 juillet 2022

53 - Lune blanche

Stimulé par sa présence éclatante, je n'avais d'yeux que pour sa lumière en vogue, elle la reine des corps célestes.
 
Je veillais depuis le crépuscule, admiratif de sa face.
 
Et elle se reflétait dans mon regard sans autre but que de rebondir sur mon front. Je ne fixais plus ni mes pieds, ni le sol, ni mon nombril, tout occupé à lui faire la fête.
 
J'oubliais le jour, laissais de côté mes petites affaires, abandonnais mes artifices sans valeur pour me concentrer sur son visage lacté. Je me laissais électriser à la vue de ses joues au teint de lait. Elle m'avait ôté le sommeil de sa splendeur incolore et les heures passaient jusqu'à l'aube.
 
Je n'étais plus qu'un feu sans fin, une eau sans fond, une onde sans limite. Mes rêves étaient partis et l'horizon nocturne les avait remplacés.
 
Comment aurais-je pu dormir sous les flots d'amour qu'elle m'adressait ? Ma place s'imposait sous la nue, non dans mon lit.

La Lune brillait de sa flamme nivéenne et brûlait mon coeur comme le gel sur une fleur : sous sa clarté excitante je venais de passer une nuit blanche.

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52 - Lune de mer

Elle fait résonner la lyre et influence la mer, attirant à elle écume et chants.
 
La Lune gifle la planète à chacun de ses passages et déclenche des vagues pour mieux faire parler de sa face dans les calendriers. Mais sous le ciel de la réalité elle brille par son absence le jour et se laisse oublier la nuit dans la solitude des plages.
 
Ce n'est pas pour les touristes idiots qu'elle se manifeste dans son âpre beauté, mais pour les derniers des Mohicans.
 
C'est-à-dire oiseaux isolés, joueurs de luth aux doigts légers, rêveurs aux pieds fangeux, âmes voguant d'immensités en infinis.
 
Elle caresse les flots à rebrousse poils pour mieux animer la Terre de va-et-vient féconds sur sa surface.
 
Avec son disque rayonnant comme un cadran, elle règne telle une horloge réglant les mouvements de l'eau. Et en passant d'un quartier à un autre de son monde pour finir en croissant, sonne les heures fatidiques de la grande mécanique céleste.
 
Loin, très loin des bipèdes communs des rivages aux pas de fourmis et aux préoccupations de larves, indifférents à ces merveilles tournant au-dessus de leurs têtes.

Celle qui fait sortir le littoral de ses gonds, qui lui dit oui ou qui lui dit non, ne s'amuse avec les éléments que pour faire rire les mouettes et rêver les crabes.

samedi 23 juillet 2022

51 - Lune de feu

Elle ne brille que pour les élus et je ne brûle que pour sa face de déesse tranchante.
 
Je la sais sélective : elle aime se faire aimer des coeurs singuliers, des figures amères, des âmes trempées dans les affaires nocturnes.
 
Elle destine surtout ses funèbres lueurs aux bipèdes dotés d'ailes qui savent goûter aux mets âpres, spartiates et si doux pourtant que leur offrent les montagnes, les océans et les astres.
 
Les romantiques, les mous, les faibles, les frileux, les pharmaciens, les pragmatiques, les raisonnables, les prudents ne méritent que ses éclipses. Les quelques autres, les chercheurs de crapauds, les quêteurs de sommets, les loups, les vagabonds aux semelles puantes, les peaux agrestes et les natures burinées au vent de la vérité, de la beauté, de l'éveil, eux regardent son front de roc et de miel, d'or et de misère avec la délectation des dieux pour les fruits de l'Olympe.
 
La Lune est accessible aux seuls rats des égouts capables de humer les fleurs, c'est-à-dire aux mortels éclairés de la Terre, allégés, libérés des chaînes de ce siècle, qui depuis longtemps se sont envolés vers l'azur comme des papillons.

Si vous voulez entendre battre sa pierre, si vous souhaitez sonder ses orbites, creuser ses cratères et entrer en contact avec cette tueuse de rêves, ennemie des dormeurs, briseuse d'écrans, "dissipeuse" d'artifices, alors il vous faudra vous dépouiller de vos lourdeurs, rompre avec vos petitesses et vous ouvrir à la grandeur, au mystère et à la poésie qui dépassent la hauteur de vos doigts de pied pataugeant dans l'excrément de vos jours de vacuité et de vulgarité, vous la majorité, vous les léthargiques casqués, masqués, annelés et empaquetés comme des porcs dans vos flasques habitudes d'adeptes de la moyenne.

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mardi 19 juillet 2022

50 - Immortelle présence

Je ne comparerai certes pas la Lune à un tournesol car de la lumière florale et incandescente de ce dernier, elle en est totalement dépourvue.
 
Celle pour qui je brûle d'une flamme blanche, pour ne pas dire fantasmagorique, est une morose lueur infiniment plus terne que l'éphémère girasol.
 
Mais bien plus durable, aussi vaste qu'un monde.
 
C'est même un océan de silence et de mélancolie, un désert d'ombres et de clartés, une étendue sans forme de beauté sèche, de misère sublime et de mort radieuse.
 
Sur son sol infécond, gisent des champs de pierres, s'étendent des jardins de poussière, croissent des sentiments d'éternité, fleurissent des rêves d'amour.
 
Et blanchissent les siècles.
 
C'est pourquoi je préfère assimiler le globe argenté non pas aux splendeurs horticoles enrichies d'or et ensoleillées de couleurs vives, mais à un étang plein de brume et de crépuscule où viennent mourir sans bruit les feuilles de l'automne.
 
Pour y renaître des années après avec de nouvelles racines.

Immortalisées à travers ces mystérieuses apparitions nocturnes appelées "feux follets".

49 - Surprenante Lune !

Le Soleil éclaire sa surface comme le cierge jette sa lueur sur le visage d'un défunt.
 
Sa lumière n'est que le reflet d'une flamme sur sa face inerte. Elle est misérable, sans sève, pleine de ruine et de mort.
 
Quand elle apparaît avec sa tête de décédée dans la nuit, elle apporte déprime et mauvais présages. Elle traîne des légendes de malheur dans son sillage de ténèbres.
 
Oui, la Lune pour certains mortels morbides est un globe de noirceurs qui peuple leurs insomnies de cauchemars tangibles : à leurs yeux elle brille avec un réalisme mortuaire et des sous-entendus funèbres. Aussi froide qu'une tombe, ce caillou du ciel est un marbre, une stèle sur leur coeur en deuil.
 
Mais pour les gens heureux qui, comme moi, voient tout en bleu, l'astre ensommeillé n'est qu'un feu de joie dans le firmament ! Un miracle d'illumination à l'heure des rêves ! Le cadeau du jour offert à l'obscurité !

Elle est peut-être sans vie, sans âme, sans intérêt et vouée au néant selon ces indifférents, mais pour les authentiques poètes, les êtres sensibles, les esprits éveillés, elle restera pour toujours, là-haut dans les nues étoilées, roulant à travers les constellations, loin du plancher des vaches, un délicieux, irrésistible et éclatant camembert.

dimanche 17 juillet 2022

48 - L'éclat de la Lune

Vous croyez la connaître de haut en bas, par devant et sous son aspect caché. Vous vous imaginez avoir vu et revu sa face officielle et même ses champs obscurs. Et pourtant, de la Lune véritable, vous ignorez l'essentiel.
 
Je vais vous la révéler telle que nul n'ose la voir ni la présenter de peur de n'être cru, pris au sérieux.
 
Pour vous parler de cette grande méconnue, je vais employer les mots les plus fous du langage humain et vous allez entendre des clartés indicibles que vous refuserez peut-être de valider, indécrottables incrédules que vous êtes !
 
N'oubliez pas que vous incarnez la pesanteur, vous les mortels alourdis de certitudes poisseuses, et qu'en vertu de mes légèretés créatrices et de mes hauteurs virginales, mon verbe est producteur de lumière.
 
C'est-à-dire de vérité, de beauté, d'intelligence.
 
Voici, dévoilé sous ma plume, l'invisible dissimulé derrière l'apparence.
 
Celle que vous prenez pour une pierre sèche et stérile, pour un simple corps céleste réductible à quelques doctes formules mathématiques ou à de prosaïques examens chimiques dans des éprouvettes de laboratoires, en réalité est une âme brillante dans le ciel des morts. Un guide pour des esprits voguant hors de ce monde. Un phare spectral qui s'allume pour éclairer les coeurs simples de la Terre. Une étincelle de vie qui amorce des destinées aussi bien humaines que sidérales. Une lueur féconde qui fait fluer de la sève divine dans les artères cosmiques. Un reflet de Soleil qui enfante de la poésie. Un feu de neige qui blanchit l'herbe la nuit sous nos pieds et fait verdir l'infini au-dessus de nos têtes.
 
Je pourrais vous en dire encore bien plus, vous me taxeriez d'idiot ou de dément.

Mais ce que vous refuserez d'admettre par-dessus tout, c'est que cet astre n'est pour moi qu'une sphère d'amour.

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vendredi 15 juillet 2022

47 - Epis lunaires

Au bord des blés, j'attends la Lune.
 
Dès le crépuscule, elle viendra s'allumer au-dessus de ces herbes d'or, et la nuit sera illuminée de sa gloire.
 
Le champ d'épis brillera sous ses rayons nocturnes.
 
Les grains se gorgeront une dernière fois de ses ondes avant la moisson. Abreuvés d'éclats lunaires, ils refléteront sa lumière jusqu'à l'aube.
 
Le Soleil donne de la force aux gerbes nourricières mais l'astre gracile ajoute son lot de rêves au fruit du labeur des hommes.
 
Pendant que dorment les faucheurs, la blonde dame du ciel sème ses graines de poésie sur leurs oeuvres. Ce qui allège les travaux champêtres et apporte au pain une saveur nouvelle.
 
Elle impose l'admiration et règne naturellement dans le coeur des paysans. A la simple idée de sa beauté, tous la considèrent instinctivement comme une alliée du sillon, une amie de la terre, une compagne du jardinier, une incarnation de la fertilité.
 
En vertu de sa flatteuse réputation ainsi que de sa position zénithale, on lui attribue toutes les grâces et bénéfices de l'existence. On lui consacre des feux de joie et lui destine des prières d'amour.

C'est pourquoi je me languis de la retrouver ce soir, comme si j'avais rendez-vous avec une amante, et suis impatient de voir toutes ces tiges dorées se transformer sous sa froide caresse en autant de flammes spectrales.

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jeudi 14 juillet 2022

46 - L'autre Lune

Elle me charme de sa face de gargouille.
 
La Lune est un radieux rat des airs. Ses yeux sombres et ses joues blanches donnent au ciel des allures inquiétantes et délicieuses.
 
Sa seule présence remplit tout le firmament de ses vagues clartés. Elle apparaît comme un visage de sorcière dans la nuit.
 
Elle émerveille les enfants, effraie les superstitieux, interroge les poètes, indiffère les vaches.
 
Dans ses cheveux d'or, les vieux y voient de vieilles légendes qui perdurent depuis des siècles.
 
On lui prête les pires intentions ou on lui attribue toutes les vertus. On la charge de tous les péchés et pourtant on l'estime infiniment éloignée de nos lourdeurs de mortels, au-dessus de tout soupçon de notre Terre.
 
Elle est maudite et bénie tout à la fois. Suspecte et néanmoins innocente dans le coeur des hommes, ces derniers ne savent pas trop par quel bout la prendre.
 
Tantôt trouble, tantôt pure, elle est perçue selon la nature de chacun.
 
Certains la regarderont d'un oeil méfiant, d'autres éprouveront envers elle les meilleurs sentiments.
 
En réalité, qu'on lui trouve les traits ingrats ou pleins de lumière, qu'elle offre l'aspect d'une bête pour les frileux ou d'un humain pour les audacieux, la tête sélène est le reflet des individus qui posent leur regard sur son front de rêve ou de vérité.
 
Pour moi, aujourd'hui elle est une louve dans les nues. Demain elle sera un oiseau nocturne aux ailes de cristal.

Eternelle passagère céleste, elle vient et revient diffuser son mystère parmi nous, fidèle au mythe qu'elle incarne, invariable dans sa course cosmique et toujours changeante dans nos âmes.

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mercredi 13 juillet 2022

45 - L'amie des cheminées

La Lune est la compagne de nos cheminées. La confidente des feux de l'âtre. Le point de repère des spectres de fumée s'élevant dans les airs. Le sommet culminant des rêves s'échappant de nos maisons.
 
Tout autour d'elle dans les nues, se rejoignent les oiseaux de nuit comme les fantômes de nos toits.
 
Elle attire à elle l'haleine de nos foyers, ces vapeurs et ces particules qui montent le long des conduits de brique pour s'évaporer dans son sillage de silence et d'azur.
 
Elle incarne les plus hautes pensées du monde et récolte la légèreté de tout ce qui s'envole vers elle.
 
Tandis que son visage mort vogue au-dessus des cités endormies, chaque demeure allumée la salue secrètement d'un reste d'étincelle ou d'un doigt de cendre, je veux parler de ces postillons que nos habitations crachent vers le ciel.
 
Voilà pourquoi, à force de recevoir depuis des temps immémoriaux ces humbles hommages issus de nos flambées vespérales, ce corps céleste s'est retrouvé avec un sol couvert de poussière crépusculaire.

Et qu'il brille aujourd'hui aussi paisiblement que la flamme de nos logis.

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44 - Lune morte

Son crâne morbide issu de l'obscurité m'effraie.
 
De sa face exsangue émanent des images ténébreuses qui retombent en cauchemars sur le sol des mortels.
 
La Lune est une figure mortuaire.
 
Sa tête luisante est un vase funéraire dans l'empyrée, déversant ses cendres de tristesse sur les toits et les champs.
 
Ce visage de cadavre a des rêves de défunt et des clartés sépulcrales.
 
Le globe funèbre éclaire de sa lumière morte les macchabées que nous sommes devenus sous son regard pétrifiant.
 
Ses orbites froides, sans vie, s'ouvrent sur le monde comme deux gouffres de silence et de néant.
 
Ce caillou sans plus d'âme n'est pourtant point un astre damné. En son sein de glace demeure un espoir ultime : faire naître un peu d'amour chez les loups, les rats et les chiens errants. Et peut-être aussi attirer à lui quelques chats en vadrouille.

Ce corps céleste bien sec, dépouillé de toute sève, brille, piètre et terne, juste au nom de ceux qui en font la gloire de leurs nuits blanches, rien que pour plaire aux poètes des caves.

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mardi 12 juillet 2022

43 - Lune Parmentier

La Lune est une pomme de terre dans le ciel.
 
Avec son auréole de clarté, elle brille comme du beurre de baratte dans l'assiette vespérale du mortel las de sa journée de labeur, mais heureux du réconfort de la table.
 
Elle est aussi dorée dans son firmament qu'une patate au fond du four. Elle éclaire de promesses lactées les soirées en famille, en pantoufles, en amoureux ou plus solitaires, en robe de chambre.
 
Le globe lunaire est l'astre nourricier de tous les rêveurs, ces mangeurs d'imaginaire et autres dévoreurs de fables, amateurs de mythes et affamés de légendes.
 
C'est un féculent couleur de flamme où viennent fondre la neige des enfants en peine, se réchauffer les coeurs des amants déçus, se consoler les gourmets célestes privés d'étoiles.
 
Elle est le repos des esprits qui vagabondent et le repas de ceux qui ont le vague à l'âme.
 
Elle contente les appétits de tous les êtres curieux, remplit les têtes assombries de ses ondes sidérales, comble les vivants à jeun de lumière.
 
Le tubercule astral règne haut dans l'espace, auguste et impérial, loin au-dessus des hommes.

Mais encore assez proche pour réduire leurs pensées néfastes en purée. 

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42 - Lune fatale

Il n'est pas de femme plus sombre que la Lune.
 
Ni plus éclatante que ses effets.
 
Les artifices du satellite valent toutes les toilettes des créatures de notre globe d'azur.
 
Ce visage céleste aux traits de rocaille brille comme une mer d'ombres radieuses. Dans ses profondeurs faciales gisent des trésors de silence et de mort.
 
Les poètes imbéciles y voient les causes de leurs menus émois et le prétexte de leurs rimes de mirlitons, parlant de perles d'or ou de merles blancs, affublant de fleurs de sel ou de sable leurs vers de sots, arrosant des roses imaginaires de leurs mots lunaires, là où il n'y a que des cratères et du régolithe, du gel et du feu, du roc et du vide.
 
Le paysage sélénite est une misère lumineuse, un monde de vertiges et de gouffres, un décor pour des peuples de spectres, un univers éblouissant de tristesse.
 
L'asile idéal, en réalité, des esthètes désespérés, des fous de beauté ultime, ainsi que des cadavres.

Ce sol lointain est la terre promise de ceux qui préfèrent mourir non pas sous les brûlantes lourdeurs du Soleil mais sous la légèreté des clartés nocturnes.

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41 - Amour céleste

Je suis tombé fou amoureux d'une blonde présence.
 
Son front est vague, sa chevelure irréelle, son air lointain.
 
Cette entité est une tête en l'air. C'est une rêveuse qui tourne autour des hommes.
 
Ses jours sont pleins d'éclat et au fond de ses orbites sont logés des secrets éternels.
 
C'est une créature de caractère qui éclaire le monde avec ses critères sélectifs mais créatifs. Larges sont ses cratères, minces ses objectifs.
 
Elle ne fait que passer et repasser, voyageant sur le même fil en équilibre entre sommeil et indifférence, demi veille et mort.
 
Elle ne donne signe de vie qu'aux noctambules et insomniaques égarés de la Terre.
 
Elle a des allures tantôt de dame blanche, tantôt de bête noire.
 
Elle est toujours belle mais jamais ne sourit, préférant poser sur les êtres et les choses son regard souverainement froid. Cette déesse de marbre et de poussière aux yeux mi-clos a les clartés mortuaires et caressantes des chandelles.
 
Sa flamme meurt à chaque aube pour renaître les soirs de solitude et d'amour.

C'est là que, comme moi, vous percevrez la vraie lumière de celle que j'aime, je veux parler de la Lune.

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lundi 11 juillet 2022

40 - Ma maison, c'est la Lune

Ma demeure est d'ombre et de poussière, de pierre et de lumière : cailloux, sécheresse et régolithe sont les fondations de mon foyer.
 
Le sol de la Lune est mon socle et sa sublime désolation mon horizon.
 
Depuis cet âpre refuge, j'écoute battre mon coeur conçu pour aimer les silhouettes sélénites qui m'entourent. C'est-à-dire le roc en formes de rêves qui peuple le satellite en perpétuel trépas.
 
Il n'y a rien, et pourtant il y a tout ici.
 
Mon âme s'y abreuve d'essentiel et ma joie est totale : c 'est sous ce ciel de marbre et de mort que ma vie commence et ne s'arrête point.
 
Mon voyage est statique et mon aventure sidérale. Je m'enracine à la verticale et m'isole sans retour possible.
 
J'habite sur cette vaste tombe où rien d'autre ne pousse que la mortelle beauté.
 
Avec ses éclats d'inhumanité.
 
Sur ce monde sans douceur ni couleur, mes pas tracent des sillons qu'arroseront des pluies de silence et des jours de mélancolie.

Je veux vivre pour toujours hors de tout, loin de vous, et récolter les moissons de jouvence que sont les siècles lunaires.

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dimanche 10 juillet 2022

39 - Poids de la Lune

Avec ses airs aériens, ses ailes d'éther et son vol de bulle sidérale, on lui prête des légèretés de plume.
 
En réalité la Lune est une grosse enclume.
 
Rond, lourd, tellurique, ce corps céleste est une véritable masse autour de la Terre. La totale apesanteur n'est pas dans cette tête astrale tournant à deux doigts de notre globe, mais dans les mots d'amour que je lui destine, lesquels ont le poids de la lumière et la démesure de ma folie.
 
Je fais de cette belle morte une boule de rêve qui roule au firmament comme une balle de neige ou une bille de feu.
 
C'est pour moi une flamme, autrement dit une femme.
 
Son hymen est sec, dur, stérile et je la féconde pourtant de mon verbe aqueux, séminal, onirique.
 
Du croisement entre ce caillou pensif et ma sève verveuse, naissent des artifices littéraires qui iront nourrir tous les oiseaux de la lyre venus chercher leur becquetée poétique au creux de ma main.

C'est-à-dire, vous mes lecteurs qui savourez ces délicieuses fadaises que je viens de vous servir ici-même sur un plateau orné de chimères.

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mardi 5 juillet 2022

38 - La morte visiteuse

Elle me fixait en pleine nuit.
 
Vêtue de blanc, aussi anémique qu'une moribonde, elle semblait gémir sans rien dire sous les étoiles. En effet, pas un son ne sortait des lèvres de cette dame étrange.
 
Impressionné par l'intruse, je n'osais lui adresser la parole. Tout en elle paraissait irréel, onirique, mystérieux. Avec ses contours diffus, elle ressemblait à une longue statue de sel au bord du chemin.
 
La mélancolie qui émanait de sa personne était telle que le paysage nocturne entier s'en imprégnait. Et tout autour de moi devenait comme un décor lunaire triste, doux, froid et beau.
 
Comme si je m'étais retrouvé dans un théâtre où l'imaginaire se confond soudain avec la réalité. Une sorte de rêve grandeur nature où l'image sort du miroir et s'incarne.
 
Bref, je me sentais dans un monde certes flatteur mais trompeur, factice, où pour se divertir à mes dépens la farce voulut prendre les apparences de la gravité.
 
Si bien que je soupçonnais d'être en présence d'une simple comédienne excentrique jouant je ne sais quel rôle grotesque et déréglé. Ou d'une folle tout court. Voire d'une dormeuse en pleine crise de somnambulisme égarée sur la route.
 
En m'approchant de l'apparition je constatai que sa face n'était point fardée. Son teint d'inhumée trahissait l'authentique visage de la mort. Et son regard reflétait l'infini ennui d'une existence vouée à la solitude, au silence et à la méditation, dans un univers de désolation.
 
En la voyant ainsi mi-pierre, mi-cadavre, je devinai que j'eus affaire à Madame la Lune, c'est-à-dire à l'âme du satellite, ou un éclat de sa lumière, venue sur Terre chercher un peu de réconfort.
 
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dimanche 3 juillet 2022

37 - Ma cabane sous la Lune

Depuis ma cabane à découvert dans la prairie, j'observe la Lune dès qu'elle apparaît.
 
Au crépuscule j'allume un feu comme si je l'appelais. Et elle me salue de son aile pâle.
 
Elle passe au-dessus de mon gîte et mon âme s'éclaire dans la nuit.
 
Tandis que les heures s'écoulent, elle remplit de sa présence l'obscurité et la solitude. Et dépose sur le monde endormi un parfum de mystère.
 
Son vol est feutré, insidieux, imperceptible. Et bien vite pourtant elle m'emmène de constellations en constellations, parcourant la nue du soir jusqu'à l'aube telle une balle sidérale.
 
Cette bulle d'or est comme une flèche qui mollement sonde le ciel pour disparaître derrière l'horizon à la poursuite d'une inatteignable cible.
 
Assis près de mon refuge de bois, tout en suivant sa course céleste, j'oublie le temps.
 
Je suis hors-sol, je vogue dans un océan d'interrogations et plane dans une infinie mélancolie, enivré par mes rêves d'éternité.