dimanche 12 mars 2023

100 - J'habite sur la Lune

Mon asile est fait de rêve et de poussière.
 
Mon véritable foyer est loin de vos horizons de bovins et de vos raisons de brutes. Vous les gens de la Terre, vous êtes trop étrangers à mes vues sidérales, trop ignorants des réalités subtiles, trop proches de vos semelles de plomb.
 
Vous êtes bêtes sur votre plancher des vaches et je suis brillant sur mon tapis de régolithe !
 
Vous êtes enracinés dans vos routines de vaccinés, enlisés dans vos certitudes de balourds, embourbés dans vos bottes de boeufs tandis que moi, j'habite sur la Lune.
 
Je m'allège et vole dans l'éther lunaire, pendant que vous cultivez des enclumes et que vous vous enivrez de pot-au-feu !
 
Moi, sur mon sol de peu de pesanteur, je plante les graines de ma plume et récolte le pain aérien de la joie la plus éthérée.
 
J'en fais un mets de choix pour mon âme de roi.
 
Depuis que je suis l'hôte du satellite, je ne vous entends plus meugler dans vos petitesses de lourdauds en troupeaux et de boulets au boulot !
 
Vous ne songez qu'à peser encore plus lourd, qu'à devenir de plus prospères épiciers, qu'à sortir de vos têtes des pensées plus épaisses et de vos poches des billets plus gros ! Hermétiques à ma lumière, vous sombrez dans vos pesanteurs de pré-retraités déjà morts !
 
Pendant ce temps je dors et fais fructifier mon bien immatériel.

Sur mon astre, je me situe plus haut que vos oeuvres de béotiens, poursuivant mon chemin dans le ciel incorruptible de la poésie.

99 - Secret de Lune

Quand certaines nuits elle devient souveraine avec sa couronne d'opale et que sa face de reine rayonne, la Lune m'inspire les idées les plus aériennes.
 
Et je deviens une plume.
 
Je m'envole vers elle de mes ailes soudaines. Les mots que je lui destine sont des flammes, des fluides et des flèches : pour me hisser à sa hauteur, mon verbe se fait aussi subtil que sidéral.
 
Je monte en sa direction, chevauchant mon Pégase, c'est-à-dire ma lyre, et lui chante mon sempiternel couplet de brillantes fadaises, ivre de sa lumière de morte, assoiffé de son nectar nocturne, charmé par son visage lourd de mélancolie.
 
Avec son sourire comme un soupir d'esseulée, elle semble m'adresser ses appels de détresse. A moins que ce ne soient des signes d'éternel ennui, d'infinie tristesse, de mortelle lassitude...
 
Ou bien des brûlantes prières d'amour.
 
Bref, elle m'attire et je ne puis résister à ses murmures de marbre, à ses larmes de cendre, à son silence de poussière.
 
Et plus je m'élève vers ses cratères, ses traits de pierre et sa surface fardée de régolithe, plus mon âme se charge d'éther et d'azur, déjà loin de la Terre et de ses douleurs...
 
Etendu sur l'herbe, je contemple sa tête d'ombres et de roches, le regard plongé dans ses yeux pleins de poésie.
 
Et je lis ses pensées cachées en me laissant mollement emporter par le sommeil.
 
Mais je ne vous les dévoilerai point.

C'est un secret entre elle et moi, précieusement logé dans mes rêves.

samedi 11 mars 2023

98 - Les ailes de la Lune

Sur la Lune il n'y a ni fleurs, ni ruisseaux, ni oiseaux, ni la moindre trace de vie. Pourtant elle recèle pour moi mille sources de joie.
 
Il n'y a chez elle que des ombres et du vide, de la sécheresse et du silence, des pierres et un océan de poussière...
 
Et je m'émerveille de ces misères, m'enivre de cette désolation, frissonne de bonheur face à cet éclatant dénuement !
 
Si sur Terre la verdure et l'azur sont les couleurs de la douceur de vivre, le froid et le feu du satellite sont les visages tranchés de la beauté de la mort.
 
Les premiers sont exquis, les seconds vertigineux.
 
Pour la flore riche et nuancée de notre globe bleu, mon coeur bat comme le vôtre, tout banalement. Mais pour les charmes uniformes du sol lunaire, mon âme entre en extase.
 
L'herbe, l'air et l'eau font simplement palpiter ma chair et circuler mon sang, alors que le cratère et le régolithe éblouissent mon esprit.
 
Les uns me mettent du plomb dans la tête et de quoi bien me remplir le ventre. Les autres, me délestant de toutes mes terrestres lourdeurs, me donnent des ailes.
 
Sur notre planète, je suis plein d'artifices et brille parmi mes semblables. Mais pèse autant qu'une statue de marbre.
 
Tandis que dans le désert sélénien, réduis à l'essentiel, j'apparais plus terne à leurs yeux.

Sauf que, devenu beaucoup plus léger, je m'envole.

vendredi 3 mars 2023

97 - Croissant de Lune

Lorsqu'elle apparaît en forme de croissant, la Lune montre un profil cassant.
 
Alors elle devient fine comme une serpe, aussi mince qu'un serpent.
 
Et elle n'est plus qu'une lame dans le ciel des âmes.
 
Enroulée autour de son ombre, la face masquée, le regard dans le noir, elle observe le monde incognito.
 
De son globe on n'aperçoit qu'une ligne trompeuse de lumière qui en dit long sur la complexité de ses figures, de ses allées et venues, de ses phases diverses, de ses visages multiples et de ses messages cachés.
 
Avec ses deux aiguilles apparentes, elle asticote la Terre de ses vers comiques, faisant rimer cosmique avec lombric. Quand elle se pointe ainsi, sa poésie devient acerbe, tranchante, aussi amère qu'hilarante.

Puis elle se change en luth à mesure que sa bordure s'illumine, prend de l'ampleur et finalement s'humanise parfaitement en se transformant, jour après jour, en une belle boule de pain doré.

jeudi 2 mars 2023

96 - Mais d'où vient donc la Lune ?

Elle vient du fond des rêves de je ne sais quelle improbable divinité au nom oublié...
 
Née de ce souffle onirique, issue des brumes créatrices et fabuleuses de cette entité supposée, sortie de la tête lumineuse de ce possible faiseur de miracles, la Lune demeure aussi vague qu'un horizon sans couleur ni relief.
 
Presque virtuelle.
 
Comme faite de vent et de mots creux. Elle est un globe de fumée dans le grand vide de l'espace. Une image sans poids dans ses légèretés de plume. Un visage aux traits anonymes perdu dans la solitude d'un ciel énigmatique.
 
Elle est une lueur qui ressemble à une ombre. Si fade et si peu vivante qu'elle est bel et bien morte depuis sa naissance.
 
Pauvre chose venue au monde pour tourner sans joie autour de notre Terre... Et pourtant ce fantôme qui ne cesse de nous fixer de son regard de pierre nous inspire tant de pensées fécondes et de sentiments élevés.
 
J'ignore d'où sort cet astre de caractère sans artères et troué de cratères, et cependant aussi effacé qu'une face de pucelle, aussi ténu qu'un fétu de paille vu depuis notre sol terrien.

Peut-être, finalement, n'est-il qu'une interminable histoire à raconter dont nul ne connaîtra jamais la fin.

mercredi 1 mars 2023

95 - Lune lointaine

Elle rêve dans l'espace, indifférente aux hommes de la Terre, hautaine avec ses airs d'intouchable, lointaine avec sa face de pierre, glacée avec son regard impénétrable.
 
Elle semble n'aimer que sa solitude, si haut perchée dans son ciel stérile, elle la lueur vouée au néant.
 
Pour qui cette laiteuse figure cosmique brille-t-elle ? A qui cherche-t-elle à plaire ?
 
Elle luit pour les trépassés je crois bien, les vers de terre et tous les cailloux oubliés du monde. Et ne souhaite faire chanter que les drôles d'oiseaux qui lui ressemblent. C'est-à-dire les âmes tristes aux ailes claires, les coeurs lourds aux larmes légères, les visages sombres aux pensées éclatantes.
 
La Lune perdue dans ses horizons obscurs ne songe qu'à des bulles, passant son temps à tourner autour de notre planète en pensant à autre chose.
 
Et elle bée dans le vide car elle est bête en réalité, contrairement à ses apparences de philosophe céleste.

Elle est sotte et belle, stupide et désirable telle une poire, aussi idiote et séduisante qu'une femme dont on est éperdument amoureux.