mardi 29 novembre 2022

82 - Récoltes lunaires

Lorsque les lourdeurs de ce siècle m'accablent, mon esprit s'envole vers la Lune pour s'y promener sur son sol d'argent.
 
Là-bas, je me retrouve en plein silence dans un océan de paix, sondant des paysages de pierre, voguant sur des flots immobiles d'une éternité brillante.
 
Mais c'est aussi un monde tranchant et mortel où l'ombre est de glace et le jour de feu.
 
Tel un paysan sélénite, je contemple alors les champs de poussière qui étincellent au soleil, heureux de cette permanente moisson de lumière dédiée aux inutiles de la Terre, esthètes déconnectés du réel, traîne-savates et autres semelles crottées qui, comme moi, chantent les beautés aiguës de l'astre vérolé de cratères.
 
Et je m'évade dans ces prairies figées, ivre de bonheur, assoiffé d'immensités mélancoliques, cheminant entre monts adoucis et plates étendues, inlassablement, émerveillé par les clartés de ce royaume de désolation.
 
Je m'égare dans ce désert couvert de régolithe, cette neige lunaire qui blanchit tous les chemins.
 
Avec, au-dessus de ce paradis de mort, un ciel d'encre perpétuel. Et devant moi, des horizons aux promesses d'éternelle pétrification.
 
Je me perds dans ces plaines semées de fantasmes tandis que l'écume de roche virevolte sous mes pas...

Et j'emporte dans mes bottes les éclats inextinguibles de cette vaste cendre qui ressemble tant à de la poudre d'or.

jeudi 24 novembre 2022

81 - Lune mortuaire

Elle est là, avec son disque de lumière, pleine de sa présence de plomb, aussi fluide qu'une plume, éclatante comme une vérité de feu au coeur de la nuit.
 
Elle irradie, irréelle, à l'image d'un soleil onirique.
 
La Lune est un rêve de pierre, une pensée dans le ciel, une flamme qui glace notre monde.
 
Son visage crevé de cratères fixe la Terre et les hommes qui la peuplent. Certains d'entre eux y voient des signes mystérieux, d'autres des airs familiers.
 
Moi je perçois sur sa face une neige infinie. Une écume de mort. Un froid létal d'une pétrifiante beauté.
 
Le régolithe brille sur sa surface, semblable à un fard morbide et sublime.

C'est cette poussière blanche et funèbre recouvrant son sol qui lui donne cet aspect de majesté mortuaire, pareils aux cheveux de cendre de nos vieillards qui, proches de la tombe, sont irrésistiblement attirés par des promesses d'éternité.

dimanche 6 novembre 2022

80 - Seule au monde ?

La Lune est une terre dure comme la pierre, une mer de dunes et un désert sans fin.
 
C'est une contrée sans nulle âme, dénuée de vie. Pas un souffle. Ni de vent, ni de bête.
 
Pourtant ce royaume de néant est plein d'attraits. Son sol est un rêve solide et ses horizons sont peuplés de paysages d'âpre poésie.
 
Sur ce globe de désolation règne l'absolu silence, l'éternelle absence, la majesté du rien.
 
L'inertie des éléments, l'éclat de la mort. La beauté pour la beauté.
 
Les ténèbres comme la lumière y sont tranchées. Ainsi que la glace et le feu. Tout y est clair ou noir. Et l'attente y est vaine : il ne s'y passe pas la moindre histoire, à des siècles de distance.
 
Des millions de jours et de nuits s'y écoulent, tous pareils. Les images y sont les mêmes, inchangées, immuables. Sur cet autre monde les roches sont gelées ou brûlantes mais ne bougent point.
 
Les ombres seules, qui naissent à l'aube pour s'étendre jusqu'au soir, animent cet océan immobile.

Mais parfois aussi, cette planète jaune reçoit la visite d'êtres étranges dans leur maison volante, créatures baroques, folles et mystérieuses appelées "cosmonautes".