jeudi 30 juin 2022

36 - Histoire de lune

Au coeur de la nuit un rayon de Lune frappa à mon carreau. J'ouvris la fenêtre et le rêve entra dans ma chambre pour s'asseoir au bord de mon lit.
 
C'était une silhouette diffuse avec un visage vague, une tête dans le flou, ainsi qu'une flamme changeante.
 
Tandis que je l'observais, ses traits se précisèrent.
 
Sa face était éclatante comme un croissant de miel et ses membres s'apparentaient à des rameaux pleins d'élégance. Sa chevelure brillait autour de ses pommettes saillantes et son front cadavérique ajoutait un peu d'ombre à sa beauté sidérale. Visiblement j'avais affaire à une entité féminine. Une créature entre la chair et le minéral, à mi-chemin entre le sommeil et la veille.
 
Peut-être même à égale distance entre notre Terre et son satellite, c'est à dire entre la vie et la mort.
 
En tout cas, une femme à l'image des gouffres et des vallons, de la poussière et du silence, des rochers et de la glace. Une jardinière du sol sélénite cultivant des citrouilles ricaneuses et autres chimères. Ou une  fleuriste des tombeaux.
 
Les mains noircies de terreau, les pieds blanchis de régolithe.
 
Avec, à la place des yeux, deux cratères.
 
Et un immense mystère tournant en orbite autour de ses pensées.
 
Elle me fixait sans rien dire, alors que je la dévisageais avec curiosité, à demi couché sur ma literie.
 
Soudain, un sourire apparut au centre de ce faux soleil. A ce moment précis, la pièce s'illumina. Un éclair fantastique venu du dehors embrasa furtivement le logement.
 
Et l'inexplicable visiteuse disparut.
 
Et je demeurai seul, dubitatif, ne sachant si j'avais été en présence d'un spectre, d'une intruse astrale ou de je ne sais quelle nocturne incarnation...
 
A l'aube, je découvris un énorme trou au milieu de mon potager.

Avec, au fond, une météorite.

samedi 4 juin 2022

35 - Attraction lunaire

Elle est un cauchemar qui chasse les rêves insipides.
 
Une tête de défunte dans l'empyrée, un éclat mortuaire à trois heures du matin, un front funèbre qui veille sur les égarés, une lueur glacée  dans la nuit, un crâne phosphorescent éclairant les amoureux aux coeurs morbides.
 
Sa face de citrouille enflammée fait pâlir le monde. Et jette sur les hommes une lumière de mort qui donne à leur peau un aspect de cadavre.
 
La Lune est une sépulture où gisent les pensées folles des sots -ou les pensées sottes des fous,- et où grouillent les vers plats des poètes sans imagination.
 
C'est là que viennent s'échouer les idées les plus fantasques de la Terre, faire naufrage les âmes déracinées, se faire oublier les fantômes de notre siècle, s'installer les oiseaux bohèmes en mal de dépaysement.
 
Et germer les graines fécondes de l'esprit qui produiront des fleurs étranges nommées "littérature".
 
Oui, le satellite aux reflets obscurs est un visage effrayant au regard vague qui attire à lui tout ce qui s'envole de notre globe, je veux parler de ces choses trop légères pour demeurer sur le plancher des vaches.

Pour faire naître ce texte parvenant jusqu'à vos oreilles, c'est précisément sur ce sol de silence et de régolithe que vient de se poser ma plume.