mercredi 21 décembre 2022

85 - Hauteur de la Lune

Elle est l'ombre et le feu, la flamme et la mort, la lumière et la nuit, le songe et la pierre.
 
Elle vole dans nos rêves, vogue dans l'océan du vide, vaguement humaine avec sa tête simiesque, lointaine avec ses airs astraux, proche à travers ses allures terrestres, aussi tellurique qu'éthéréenne...
 
La Lune est un globe ambigu au visage familier, à la face lumineuse et aux réflexions ténébreuses.
 
Elle est un corps céleste obscur, une gueule ouverte dans le noir et un clin d'oeil dans le ciel en plein jour.
 
Elle s'illumine le soir pour s'éclipser à l'aube, tantôt pleine de pâleur, tantôt à moitié brillante, toujours éclatante de beauté morbide.
 
Dans ses orbites les hommes n'y voient que du flou : son regard d'aérostat pétrifie les fous, réveille les dormeurs, brûle les insomniaques.
 
Et fait braire les ânes que sont les poètes.
 
Tout son esprit est là, précisément : elle tourne, inconditionnelle, indifférente, hautaine et magistrale dans son royaume de solitude et de sommets, beaucoup plus haut que nos vues basses de sombres mortels.

Cette bulle aux yeux globuleux errant maladivement dans les fumées de notre imagination n'en finit pas d'aller et venir entre nos coeurs limités et l'infini de l'espace.

vendredi 16 décembre 2022

84 - Belle Lune

Lorsqu'elle est pleine, ronde, telle une boule d'éther dans l'encre de la nuit, avec son regard de glace, son front mélancolique et son air impénétrable, elle séduit ses élus.
 
C'est-à-dire nous les loups, les sangliers et les hiboux... Nous les égarés de ce siècle, nous qui sommes sortis des chemins balisés, nous qui préférons le vrai à l'artifice.
 
Sa présence est ambiguë, aussi pesante qu'aérienne. Comme une flamme trop douce pour être un feu, trop claire pour se réduire à un rêve.
 
Son globe de cendre et de miel pourrait s'apparenter à une ombre lumineuse ou à un spectre de pierre, à un oeil mort dans le ciel ou à une bulle de silence montant au firmament tout en dégageant un charme inquiétant sur notre Terre.
 
Cette chandelle n'éclaire véritablement que les toits de chaume et les âmes de plomb.
 
La Lune se reflète sur la paille, les tombes et les mares. Et pénètre le fond des êtres inspirés.
 
Elle est faite pour alléger les sabots et tenir compagnie aux solitudes, escorter les vagabonds et réchauffer les moribonds, lustrer les misères et illuminer les veillées funèbres.
 
Les coureurs des bois aux vies chargées de sens, les chantres de la simplicité et les coeurs alourdis de peines apprécient cette intruse mortuaire, ce visage nocturne, cette amie des heures profondes.
 
Pour nous les rats aux gueules de lumière, elle est bien plus qu'une bille qui luit bêtement dans les ténèbres, autre chose qu'une figure pétrifiée de nos insomnies, et quand vient le jour, encore mieux qu'une balle perdue dans l'azur.

A nos yeux, elle est essentiellement, tout bonnement et tout sobrement... belle.

mardi 13 décembre 2022

83 - Salades lunaires

Elle me manque, je l'attends comme j'attendrais une femme que j'aime et qui m'ignore.
 
Je brûle de folle poésie pour sa lumière de glace et sa face mortuaire, m'enfièvre d'amour pour ses apparitions nocturnes, m'enflamme de désir désincarné pour ses déserts de pierres et ses monts indolents.
 
La Lune que j'adore, qui est tantôt d'or, tantôt d'air, parfois dure, souvent froide mais toujours pleine d'art, qu'elle soit sombre, claire, âpre ou légère, la Lune disais-je, ne passe jamais au-dessus de ma tête sans que j'en sois touché chair et âme.
 
Indifférente à mes émois, elle s'allume le soir, brille la nuit, s'estompe avec le jour et me laisse veuf, désarmé, moi qui l'admire depuis toujours, les pieds dans mon potager, les pensées dans les nuages.
 
Entouré de mes carottes, choux-fleurs et haricots, je m'enracine alors dans mes rêves de conquête lunaire et imagine que je m'envole jusque dans l'éther où séjourne ma bien-aimée.
 
Et, les semelles bien posées sur la terre de mon jardinet, perdu dans mes rêveries de bonheur immatériel, le corps immobile, je la rejoins dans les hauteurs sidérales de mon esprit détaché des lourdeurs de ce monde où je végète en compagnie de mes plantations horticoles.

Et c'est ainsi que l'on me retrouve de temps à autre étendu entre mes sillons jusque midi, le visage dans les légumes, hagard et mélancolique, le regard fixant d'invisibles étoiles.

mardi 29 novembre 2022

82 - Récoltes lunaires

Lorsque les lourdeurs de ce siècle m'accablent, mon esprit s'envole vers la Lune pour s'y promener sur son sol d'argent.
 
Là-bas, je me retrouve en plein silence dans un océan de paix, sondant des paysages de pierre, voguant sur des flots immobiles d'une éternité brillante.
 
Mais c'est aussi un monde tranchant et mortel où l'ombre est de glace et le jour de feu.
 
Tel un paysan sélénite, je contemple alors les champs de poussière qui étincellent au soleil, heureux de cette permanente moisson de lumière dédiée aux inutiles de la Terre, esthètes déconnectés du réel, traîne-savates et autres semelles crottées qui, comme moi, chantent les beautés aiguës de l'astre vérolé de cratères.
 
Et je m'évade dans ces prairies figées, ivre de bonheur, assoiffé d'immensités mélancoliques, cheminant entre monts adoucis et plates étendues, inlassablement, émerveillé par les clartés de ce royaume de désolation.
 
Je m'égare dans ce désert couvert de régolithe, cette neige lunaire qui blanchit tous les chemins.
 
Avec, au-dessus de ce paradis de mort, un ciel d'encre perpétuel. Et devant moi, des horizons aux promesses d'éternelle pétrification.
 
Je me perds dans ces plaines semées de fantasmes tandis que l'écume de roche virevolte sous mes pas...

Et j'emporte dans mes bottes les éclats inextinguibles de cette vaste cendre qui ressemble tant à de la poudre d'or.

jeudi 24 novembre 2022

81 - Lune mortuaire

Elle est là, avec son disque de lumière, pleine de sa présence de plomb, aussi fluide qu'une plume, éclatante comme une vérité de feu au coeur de la nuit.
 
Elle irradie, irréelle, à l'image d'un soleil onirique.
 
La Lune est un rêve de pierre, une pensée dans le ciel, une flamme qui glace notre monde.
 
Son visage crevé de cratères fixe la Terre et les hommes qui la peuplent. Certains d'entre eux y voient des signes mystérieux, d'autres des airs familiers.
 
Moi je perçois sur sa face une neige infinie. Une écume de mort. Un froid létal d'une pétrifiante beauté.
 
Le régolithe brille sur sa surface, semblable à un fard morbide et sublime.

C'est cette poussière blanche et funèbre recouvrant son sol qui lui donne cet aspect de majesté mortuaire, pareils aux cheveux de cendre de nos vieillards qui, proches de la tombe, sont irrésistiblement attirés par des promesses d'éternité.

dimanche 6 novembre 2022

80 - Seule au monde ?

La Lune est une terre dure comme la pierre, une mer de dunes et un désert sans fin.
 
C'est une contrée sans nulle âme, dénuée de vie. Pas un souffle. Ni de vent, ni de bête.
 
Pourtant ce royaume de néant est plein d'attraits. Son sol est un rêve solide et ses horizons sont peuplés de paysages d'âpre poésie.
 
Sur ce globe de désolation règne l'absolu silence, l'éternelle absence, la majesté du rien.
 
L'inertie des éléments, l'éclat de la mort. La beauté pour la beauté.
 
Les ténèbres comme la lumière y sont tranchées. Ainsi que la glace et le feu. Tout y est clair ou noir. Et l'attente y est vaine : il ne s'y passe pas la moindre histoire, à des siècles de distance.
 
Des millions de jours et de nuits s'y écoulent, tous pareils. Les images y sont les mêmes, inchangées, immuables. Sur cet autre monde les roches sont gelées ou brûlantes mais ne bougent point.
 
Les ombres seules, qui naissent à l'aube pour s'étendre jusqu'au soir, animent cet océan immobile.

Mais parfois aussi, cette planète jaune reçoit la visite d'êtres étranges dans leur maison volante, créatures baroques, folles et mystérieuses appelées "cosmonautes".

dimanche 30 octobre 2022

79 - Lune de haut vol

La Lune est l'amie des morts, l'alliée des ombres, l'aimée des âmes légères, la lumière des esprits.
 
Elle éclaire les heures amères de la Terre de ses rayons de miel.
 
Et jette des lueurs de doute sur les têtes en l'air qui oublient sa magistrale présence, négligent ses allées et venues, ignorent son influence.
 
Elle ne projette des jours sombres que pour les frileux, les frêles fleurs et les endormis. Mais illumine l'antre des loups, brûle le coeur des rats en joie et enflamme les lyres qui chantent en son  nom !
 
Elle brise encore les prisons névrotiques de sa poésie libératrice.
 
Sa clarté nocturne améliore nos vues sur nous-mêmes, les hommes et le monde : en estompant nos traits grossiers et en allégeant nos vies de leurs semelles de plomb, elle rend plus belles nos faces de mortels et plus douces nos douleurs de lourdauds.
 
Quand elle passe dans la nue, elle attire les regards des êtres assez détachés du plancher des vaches pour daigner s'attarder sur son visage céleste.
 
Mais surtout, inspire des feux sacrés à tout ce qui est paré d'ailes : oiseaux, poètes, enfants, chauve-souris, vieillards, vagabonds, amoureux, moribonds...

Elle est l'éclat secret des poitrines qui battent et des pierres qui rêvent.

samedi 29 octobre 2022

78 - La Lune s'allume

La Lune s'allume dans la nuit et illumine les nues de ses rêves gris.
 
Le globe lunaire vogue dans l'océan nocturne. Mais également, quasi invisible en plein jour, dans la démesure de l'azur, solitaire.
 
Peut-être en quête d'oublie ou d'éternité, qui le saura ?
 
Ses journées sont fades, toutes pareilles, tristes et silencieuses. Mais sa destinée est éclatante : elle porte la flamme du Soleil jusque dans l'ombre de la Terre, éclairant vainement les dormeurs mais apportant de l'espoir aux veilleurs et de la lumière aux égarés des chemins dépourvus de chandelle.
 
Son visage de pierre et de cratères est lourd, mais son vol léger.
 
Elle passe dans le ciel comme un papillon aux ailes sidérales. C'est un astre spécial qui ne ressemble qu'à lui-même, quelle que soit la face qu'il nous montre.
 
Le mystère l'embaume et la mélancolie l'habite.
 
Passages après passages, ce cadavre céleste nous raconte sa morne existence d'étoile éteinte.
 
Et sous nos regards interrogatifs, continue de mener sa vie de mort-né.

Dans son rôle à la fois humble et glorieux de grain de poussière du Cosmos, tournant encore dans l'espace pour des temps infinis.

samedi 22 octobre 2022

77 - Nuit sombre

À minuit passé, on toqua à ma porte.
 
Armé de ma chandelle, j'allais voir qui frappait au seuil de mon foyer à une heure aussi indue.
 
- Qui va là, demandai-je d'une voix hésitante ?
 
- C'est moi Séléné.
 
- Et... que voulez-vous ?
 
- Je viens chercher le gîte.
 
- Comment cela ?
 
- Ouvrez-moi, c'est urgent. J'ai peu de temps. Je vous expliquerai.
 
J'osai le risque de la folie en accueillant chez moi la mystérieuse présence nocturne...
 
Je pensais avoir affaire à une femme, en fait il s'agissait d'un visage de rocaille avec un corps de nébulosité paré d'un voile de poussière. Comme un marbre embaumé de brume, une face énigmatique incarnée dans une statue de sel.
 
L'apparition me fixait de son regard crépusculaire et me dit :
 
- Je me suis égarée dans le noir à travers champs.
 
En effet, je constatais que dehors, les ténèbres étaient inhabituellement denses.
 
Elle reprit :
 
- Figurez-vous que j'ai momentanément perdu la boule. En attendant que la raison me revienne, faites-moi une place dans votre lit. J'ai besoin d'un peu de repos au chaud. Demain à l'aube, je serai déjà partie.
 
C'est ainsi que je partageai ma couche avec ce fantôme sidéral. Et plongeai dans un sommeil lourd, sans rêve.
 
A l'aurore, je me réveillai seul avec à mon côté les draps encore froissés laissés par mon étrange hôte. En sortant, je m'aperçus que la Lune était là, juste au-dessus de mon toit.

Plus tard, j'appris que cette fameuse nuit où je reçus l'extraordinaire visiteuse eut lieu une éclipse totale de l'astre.

mercredi 19 octobre 2022

76 - Soupe de Lune

En octobre la Lune semble mûrir comme une citrouille dans son potager stellaire.
 
Elle suscite en moi des appétits vespéraux pour un bol de flammes aux parfums oniriques.
 
En la voyant grossir tel un fruit de saison dans l'horizon céleste, j'ai envie d'en faire une soupe orangée et sucrée, ainsi qu'on le fait avec les stars de nos jardins qui finissent en potage ou en tartes.
 
Bien que mon dîner soit plus éthéréen que terrestre...
 
Je laisse au commun des mortels la pulpe et la sève des récoltes de l'automne. Moi, je préfère m'abreuver de la clarté de l'astre et me nourrir de ses pierres.
 
Ma faim est poétique avant tout. Et ma soif toute désincarnée. Mon ivresse n'est pas de ce monde. Je veux avaler non des légumes mais de la lumière. M'alimenter non pas de patates mais de beauté. Je ne suis pas intéressé par les trésors horticoles poussant sous nos pieds mais par les rêves qui font pousser des ailes dans le dos.
 
Je vise non pas le sol temporel et ses promesses alimentaires mais les hauteurs éternelles où pourra se déployer mon vol sans fin.
 
Je suis un papillon de l'humus.

En ce mois d'or et de feu aux arbres pleins d'offrandes et de feuilles dorées, je n'ai de regard que pour le globe couleur de miel.

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samedi 15 octobre 2022

75 - Lune-pizza

Par un soir sans pain ni feu rempli de solitude et rongé d'ennui, mon ventre se mit à rêver d'un horizon consistant : un éther composé de trésors aux terrestres saveurs, un cosmos comestible plein d'aliments lumineux, un paysage stellaire proposant une nourriture d'or et de flamme.
 
Bref, un festin de firmament.
 
J'avais une faim de vagabond aux semelles d'enclume : ma tête certes débordait d'étoiles mais ma panse demeurait aussi creuse qu'une cloche.
 
Et je trouvai, à travers le disque lunaire roulant dans l'empyrée, de quoi combler mon appétit d'esthète affamé.
 
Séléné m'apparut, véritablement, telle une pizza tandis que mon corps criait famine.
 
Je la dévorais des yeux, la convoitais comme un énorme gâteau derrière une vitrine. Elle était belle, dorée, chaude... A la place des cratères, je voyais des trous dans du gruyère et sur ses bords je devinais de la mozzarella qui brillait. L'odeur de sa croûte jaune parvenait jusqu'à mes narines et allumait mon âme...
 
L'astre se présentait à moi, en cette heure cruciale du dîner, j'en fus persuadé, avec une face de pâte à l'huile d'olive garnie de délices salés...
 
Enrichie de garnitures éclatantes, plus blonde que jamais avec ses ingrédients précieux, la présence astronomique irradiait d'attraits gastronomiques dans l'espace nocturne.
 
Et je crus vraiment voir le visage d'une "quatre-fromages" au fond d'un four céleste. Je fus émerveillé par l'alléchante apparition.
 
Et bientôt rassasié de beauté, j'en oubliai finalement de satisfaire les nécessités de ma chair et allai me coucher sans rien manger.

Au matin, je rompis mon jeûne avec un cadeau tombé du ciel accompagnant mon café.

La Lune m'avait offert, en effet, un énorme et providentiel croissant.

dimanche 9 octobre 2022

74 - Pleur de Lune

Elle porte une robe de défunte, une couronne de tristesse et se pare d'un masque de lumière. En réalité sa face visible n'est qu'un leurre de pudeur.
 
Quand elle brille, elle se cache pour mieux pleurer dans son ciel de solitude, la Lune.
 
Elle a la couleur de la mélancolie, l'éclat du chagrin, le visage de la misère.
 
Avec ses traits de pierre et ses cratères pleins d'ombre, elle ne songe qu'au malheur.
 
Son front est glacé et de ses joues n'émanent que de plats rayons. Sa flamme n'est qu'apparente : cette torche céleste qu'elle incarne faussement n'est rien qu'une illusion.
 
Sous ses allures de flambeau, l'astre est une tête éteinte aux jours finis qui ne pense plus qu'aux mortelles étreintes de la nuit.

Elle est devenue la reine de la mort et la graine de l'amour.

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mardi 20 septembre 2022

73 - Une question de clarté

Toi la blonde face, toi la douce présence, toi la flamme lointaine, tu as éclairé mes nuits froides de ta tiède lumière, animé mes rêves de tes images de pierre, peuplé mes pensées vides de tes ondes pleines de poésie nocturne, rempli mes heures perdues de ton seul éclat.
 
Et même, créé des ombres glorieuses sur notre monde endormi où tu rayonnes sans partage.
 
Par aucune étoile je ne pourrais remplacer ce feu que tu incarnes, toi la Lune.
 
Pas même une femme n'est capable de rivaliser avec ta céleste beauté. Et nul paysage terrestre ne saurait m'éblouir autant que tes tristes contrées figées dans le silence sidéral.
 
Le blanc régolithe te recouvre telle une neige éternelle : même ta poussière est d'or.
 
Tes plaines et tes monts unicolores ressemblent à une mort vaste et sublime, à une désolation lumineuse, à un océan de paix et de mélancolie.
 
Tes roches sont comme des ossements jonchant ta surface sans vie. Et ces formes vagues et diverses qui gisent sur ton sol sont les seuls hôtes que tu abrites.
 
Certaines d'entre elles semblent être des silhouettes d'hommes ou d'animaux. Mais ce ne sont que des chimères, de simples cailloux, des figures lunaires semblables à des crânes, que l’on a tendance à imaginer avoir été habitées jadis par des âmes...

Juste parce que sur leurs angles et arrondis, on y voit un peu de clarté.

lundi 19 septembre 2022

72 - La Lune dort

Elle est plus aimable que le Soleil qui l'allume et la fait briller : je peux la fixer en face et lui adresser les orages de mon être en larmes ou en joie.
 
Et contempler pour le reste de la nuit son visage de marbre et de glace.
 
Quand je la vois irradier, j'ai l'impression qu'elle dort depuis toujours et que ses rêves permanents se transforment en lumière, que ses pensées enfouies deviennent visibles sous formes de rayons incolores.
 
Bref, qu'elle brûle de poésie à travers son éclat onirique.
 
Plongée dans son sommeil éternel, la Lune arrose notre Terre de ses fantasmes d'astre léthargique.
 
Et, peut-être, fait sortir de notre sol les lombrics nocturnes aspirant à plus de légèreté.
 
Et fait jaillir d'autres sortes de vers du coeur des hommes, pleins de verve et de démesure.
 
Permettez qu'ici je vous en parle en prose pour mieux vous la chanter.

Sans fard ni artifices phraséologiques, mais dans la vérité crue de mon âme de verre.

jeudi 15 septembre 2022

71 - Lune normale

Sa fade clarté enflamme ma chambre triste et sa face énigmatique inspire aux hommes des questions aux réponses insolubles.
 
Ses rayons sans but rendent éclatants certains toits, sombres quelques âmes, terne tout ce qui est fait d'or.
 
La Lune à la lumière controversée, au visage ambigu, aux effets variables, est un numéro à part, un sujet de désaccord et un point crucial qui balaye le ciel de ses passages bien balisés.
 
Elle traîne avec elle d'immortelles légendes, de purs artifices et des chiffres incontestables.
 
Ses airs sont vagues mais ses traits nets : on la mesure, la pèse, la cartographie et calcule ses faits et gestes avec des précisions d'horloger. Elle ne nous échappe pas sur ces détails techniques.
 
Là où elle nous file entre les doigts, où elle devient incompréhensible, c'est lorsqu'elle nous laisse des rêves de feu, des impressions indéfinissables, des sentiments ineffables.
 
Cet astre sans coeur est pourtant une grosse pierre qui palpite et éveille en nous de claires ou ternes émotions, de blanches ou noires pensées, de molles larmes ou d'austères joies, de mièvres songes ou d'implacables desseins...
 
Selon les uns sa beauté est sinistre. D'autres la trouvent aussi légère qu'une pièce de un sou. Rares sont les esthètes qui en font leur fatale amante. Il y en a même pour qui elle n'est qu'une fumée.

En ce qui me concerne, elle est un rond qui brille la nuit, là-haut, là-bas, au loin, sans poids, sans explication, voguant dans une immensité de mystères, peut-être en quête d'amour.
 
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mardi 13 septembre 2022

70 - Lune de fer

Quand elle éclate de lumière dans la nuit en gel, la Lune se transforme en un silex qui blesse.
 
Un disque tranchant plein de flamme, un cri strident dans le ciel, une lame sèche qui se découpe dans le noir.
 
Elle nous éblouit et nous menace de son visage brûlant ou givré, nous perce de ses reflets féroces.
 
Oui, de ses flèches de feu ou de ses éclairs de glace, elle attaque les curieux que nous sommes s'attardant sur sa face au regard d'acier.
 
Méchante comme un soleil, aussi dure qu'une pierre aux angles aigus, froide et impitoyable telle un iceberg céleste, elle jette parfois sur la Terre ses muets projectiles qui pénètrent nos coeurs pour les refroidir.
 
Elle brille tellement lors de ces hivers, qu'elle perd toute douceur, toute mesure et que ses contrastes s'accentuent.
 
Jusqu'à ce qu'elle apparaisse cassante.

Elle est alors pareille au rayon de miel qui, saturé de parfums capiteux, concentrant trop d'arômes de fleurs, en devient plein d'amertume.

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dimanche 11 septembre 2022

69 - Molle Lune

Atténuée derrière le voile des nuages, la Lune a le visage tiède des nuits sans éclats.
 
Elle prend alors des airs insipides et se montre pleine de faiblesse. Elle devient fade, sans couleur. Et dégage un parfum familier qui ressemble à l'odeur morose d'un vieux salon délaissé.
 
Sa face aux traits estompés n'exprime plus rien et sa tête se vide inutilement dans l'espace.
 
Avec ses allures  d'astre anonyme, elle ne brille plus. Elle somnole, presque éteinte, absente, ailleurs, déconcentrée, égarée dans ses rêves mornes de triste étincelle.
 
Elle n'attire plus l'oeil là-haut au-dessus de ce brouillard qui lui coupe ses rayons. Privée de ses bras de lumière, elle n'a plus grand effet sur Terre. Elle ne caresse plus les hommes de ses doigts de fée.
 
Sans ni chaleur ni froideur ni douceur, n'inspirant ni même de frayeur, elle est sans saveur.
 
Devenue molle, vague, invisible, elle n'intéresse plus personne. Sauf peut-être les ivrognes qui divaguent à son sujet ou les vieillards séniles qui radotent sur le mystère de sa dilution dans le ciel, comme si elle était une des rondelles de navet noyée dans leur soupe au lait.

Bref, lorsque le satellite s'évapore ainsi dans ses hauteurs suspectes, amoindri par la brume, il n'existe plus pour les chercheurs de trésors nocturnes car il porte le masque infâme de la banalité.

mercredi 31 août 2022

68 - Lune martiale

Quand elle prend la forme d'un bouclier de lumière, la Lune éclate parfois de colère dans la nuit.
 
Sûre de sa cause, elle part alors en guerre contre les indifférents aux semelles de plomb, les lourdauds au coeur borné, les pragmatiques aux bottes hautes et aux vues basses qui ne perçoivent en son disque qu'une source d'inutilité, un point de non intérêt, un objet négligeable, une perte de leur précieuse attention dirigée vers le sol.
 
Elle leur destine la foudre rédemptrice de ses clartés nocturnes les plus tranchantes, les flèches chargées de fiel de ses rayons de miel, le feu cinglant de sa face aussi pâle qu'un létal champignon.
 
Elle jette sur leur front des reflets brûlants de vérité en espérant que ces derniers éclaireront leur âme flasque d'âne en quête de carottes à leur portée.
 
Le globe lunaire, du haut de ses exigences d'astre à part, livre à ces molles consciences d'impitoyables  batailles esthétiques, de féroces combats contre leur inertie poétique. C'est la lutte entre le Beau et leur laideur, le luth qui se mesure à leurs bulldozers.
 
Et Séléné répand inlassablement ses éclats sur la Terre et ses hôtes prosaïques comme autant de flammes sur un désert de chardons.

Tandis qu'elle est là, si évidente et pourtant si invisible, et qu'elle n'a plus assez d'arguments pour convaincre les matérialistes les plus endurcis de sa présence et les forcer à lever les yeux au ciel, elle frappe un grand coup : elle s'éclipse.

dimanche 28 août 2022

67 - Lune creuse

Je t'aime et te hais toi la Lune au teint lumineux et au coeur de pierre, toi l'astre d'or jaloux de ta face cachée, toi la claire présence aux obscurs desseins, toi la lueur qui vagabonde au firmament en créant des ombres nocturnes sur notre monde, toi la radieuse apparition de la nuit qui fait stérilement espérer des merveilles aux naïfs insomniaques, toi la flamme céleste qui alimente les âmes crédules de mensonges romantiques.
 
Tu encourages les niaiseries des mirlitons et brises les rêves des dormeurs au sommeil léger. Que de sornettes sorties sur papier glacé en ton nom !
 
Tes admirateurs te croient aérienne, mystérieuse, subtile. Tu es obèse, banale, grossière !
 
Ils te prennent pour l'incarnation de la Poésie, tu n'es qu'un caillou insensible, une pure mécanique lourde et laborieuse qui tourne bêtement autour de la Terre.
 
Avec ton visage amorphe, tu ressembles à ce que tu es : une vaste platitude.
 
Tu es une imposture, un mirage, un feu de toc, une invention de va-nu-pieds !
 
Tu ne possèdes aucune des qualités qu'on te prête, tu es une tromperie dans les nues, un artifice au-dessus de nos toits, une légende dans la tête des hommes, rien qu'une fumée.
 
Mais c'est justement pour cette raison que je brûle pour toi, tout en te détestant : parce que tu es comme une femme terne qui, vue de loin, sous son voile domestique couvert de poussière, prend des allures brillantes.
 
VOIR LA VIDEO :

vendredi 26 août 2022

66 - L'éclat d'un fard

Ha ! Méchante Lune ! J'ai été bien berné par tes airs de grande dame et tes ailes de rêves !
 
Tu m'as volé mes nuits d'amour et mes sentiments de feu. Oiseau de malheur, face sombre que tu es !
 
Je te croyais mon amie, mon amante, ma flamme, tu n'étais qu'une pâle copie du ciel que j'avais tant espéré. Tu ne faisais que passer, froide, indifférente, dédaigneuse, pendant que je brûlais en ton nom.
 
J'attendais de toi un regard, un rayon, un sourire. Tu ne me réservais que le néant de ta présence glacée, le vide de ta tête dénuée de toute pensée, le mépris de ton coeur creux.
 
Et moi, fébrile, patient, plein de confiance, je continuais à te suivre, à te chercher, à tenter de mieux te connaître.
 
Avec un télescope je scrutais même ton intimité, tes gouffres, tes failles, tes sommets et tes secrets les plus précieux. En retour je n'ai reçu que le silence de tes pierres et leurs ombres fuyantes. Rien que des promesses de mort et d'ennui.
 
Je voulais te conquérir, toujours tu es demeurée insensible. Pour toi j'ai sacrifié tant de mes heures d'homme... Mais tu n'étais qu'une illusion, une lueur sans âme, un pur artifice dans le firmament.
 
Je te destinais mes feux les plus sacrés, les plus vivants.

Tu ne m'envoyais que le simple reflet du Soleil.

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jeudi 25 août 2022

65 - Amour impossible

Je brûle en ton nom, t'admire, t'attends, t'espère et te retrouve à chaque fois à un endroit différent du ciel avec ta face tantôt impersonnelle, tantôt intime, toujours la même et pourtant sans cesse changeante.
 
Semblable à une bulle ou profilée comme un croissant, tu es soit aussi belle qu'un soleil, soit tordue, courbée et pointue tel un arc.
 
Et c'est là, lorsque l'obscurité domine tes clartés, que tu es la plus passionnante à voir, avec tes cratères et tes crêtes, tes pierres révélées, tes silhouettes imaginées et tes ombres projetées.
 
Quelle que soit la forme que tu prends, quand tu es présente au-dessus de moi, mon âme s'illumine. Je suis heureux et je rêve.
 
De mort ou d'amour, je ne sais plus trop. Sous tes magiques lueurs tout se fond en une même folie : la joie prend des allures de mélancolie, le feu rejoint la pureté de la neige et le blanc devient la seule couleur de la vérité.
 
Alors mes larmes se mettent à briller et ma tristesse est un bonheur.
 
Ivre de toi, désireux de fouler ton corps céleste malheureusement à jamais inaccessible, je t'aime de mon coeur imparfait mais sincère de pauvre clown égaré sur Terre que je suis, toi l'astre à la fois proche et lointain, toi la Lune que j'aimerais atteindre prosaïquement par le moyen d'une fusée.

Ou plus simplement en voyageant sur les ailes de ces mots dérisoires et désespérés.

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mercredi 24 août 2022

64 - L'esprit de la Lune

Un soir, à travers un trou dans les nuages, j'aperçus une tête. Captai un regard. Sentis une présence étrange, un visage au loin, un oeil sur moi.
 
Je crus qu'il s'agissait  d'un maléfice, d'un sinistre présage, d'un envoyé du malheur.
 
Avant que les nues agitées ne dissimulent l'apparition.
 
Cette face furtive était-elle de feu ou de glace, de joie ou de mort, d'or ou de misère ? Venue du ciel ou de quelque abîme ?
 
Je frémissais sous le vent d'automne, perdu dans mes inquiétantes rêveries. Devant moi, des terres de ténèbres. Au-dessus, le vertige nocturne, avec des promesses de brumes et d'aube sombre.
 
Tandis que minuit sonnait depuis un clocher lointain, je voulus tenir le siège de ces heures de plomb jusqu'au matin, ivre de solitude et de mélancolie, dans l'attente de la survenue d'un mystère.
 
Sur mon dos pesait l'invisible intrus qui m'observait derrière le voile céleste. Il me scrutait, suivait mes pas, épiait mes moindres gestes. Il se tenait hors de ma vue et pourtant il était là, nulle part et partout à la fois, effleurant ma joue comme un feuillage discret, m'étreignant de ses bras de fantôme, m'enveloppant de son souffle imperceptible, m'envoyant ses intentions sournoises...
 
Je demeurai toute l'éternité de cette nuit dans une grande perplexité, entre délicieux effroi face à l'inconnu et franc espoir de lumière.
 
A l'aurore, alors que le temps venait de s'éclaircir, je me rendis compte que j'avais tout simplement été touché par un éphémère clair de Lune.
 
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lundi 22 août 2022

63 - Cratères lunaires

La Lune ronde et jaune ressemble à une meule de gruyère qui roule sous la voûte céleste. Ses cratères équivalent, visuellement et philosophiquement, aux trous dans le célèbre fromage évoqué.
 
Depuis notre point de vue, à l'intérieur il n'y a que de l'ombre, c'est-à-dire que nous sommes face à des gouffres de mystère qui font s'interroger nos plus grands penseurs.
 
Que ce soient au fond de nos caves sous la croûte de nos produits lactés en fermentation ou à la surface de l'astre lunaire, ces profondeurs attisent notre humaine curiosité.
 
Ces creux nous attirent parce que c'est du vide rempli de bonnes raisons. Les sujets de maintes tentatives d'explications. Des espaces de réflexion.
 
Mais également les refuges de toutes les légendes, les points de départ des mythes, les origines de nos recherches et méditations, les sources de notre soif de connaissances.
 
Ce sont là surtout des ténèbres qui ne demandent qu'à être éclairées par la lumière de nos esprits.
 
Après être demeurées des fables qui nous ont fait rêver, ces cavernes ont été la cible de nos pensées les plus pertinentes. Ces puits pleins d'inconnu nous aident à être créatifs, féconds, conquérants, aventuriers.
 
Ces zones de nuit ont fait de nous des explorateurs de la nature et des creuseurs de la matière, des découvreurs du monde palpable et de l'univers abstrait des idées.

C'est du fond de ces mini néants que le bipède s'appuie pour prendre son essor, le savoir et la découverte l'ayant doté d'ailes.

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dimanche 21 août 2022

62 - Lune d'effroi

Tandis qu'au coeur de la nuit la neige illumine la campagne, la Lune fracasse le ciel de ses clartés glacées.
 
Eclairée par ses lueurs sépulcrales, l'immensité céleste prend des allures de gouffre.
 
Et la Terre se remplit de tristesse. L'infini au-dessus des hommes n'est alors plus qu'un horizon pétrifié par les flammes froides émanant de l'astre mort.
 
Et tout  devient sinistre en haut comme en bas. La nue est affligée et le sol lui renvoie une image morbide. Plus rien ne semble vivant, tout prend des teintes cadavériques.
 
Le disque mortuaire perturbe la paix nocturne, répand la désolation sur les paysages et dans les âmes, transforme le monde en un vaste cimetière.

Le manteau de givre est létal, mais la lumière de cette tombe sidérale est bien pire : elle tue l'espoir des rêveurs de voir un jour son visage leur sourire.

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samedi 20 août 2022

61 - Lune des chats

Quand elle paraît à la tombée du jour dans sa robe de phosphore, les chats sortent de leurs ténèbres. Et de ses rayons discrets elle guide leurs pas jusque sur les toits.
 
La Lune est la confidente des vagabonds nocturnes. Elle éclaire l'univers des félins de ses ondes apaisantes. Et les tient en éveil de sa molle flamme.
 
A l'insu des dormeurs humains, elle mène la sarabande invisible des visiteurs de gouttières et grimpeurs de cheminées.
 
Telle une artiste du haut de son zénith, elle fait son numéro, se donne en spectacle, muette, sous les clameurs silencieuses de ses admirateurs à moustaches.
 
Elle vogue au-dessus de leurs têtes étonnées aussi lentement que la grande aiguille d'une horloge, sans en avoir l'air. Et pour son assistance quadrupède, elle sonne les heures qui passent de ses clartés retentissantes.
 
Là-haut dans son théâtre sidéral, elle offre toute la joie de son coeur d'astre et de son âme de pierre. Et la nuit s'éternise, pleine de rêves et de mystères.
 
Lorsqu'à l'aube vos petits compagnons miaulent à la porte et qu'ils ronronnent sous vos caresses, c'est pour vous faire croire que vous êtes leurs maîtres.

Et mieux vous cacher leurs escapades avec Séléné, leur maîtresse.

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jeudi 18 août 2022

60 - Lune d'or

J'imagine la Lune couverte de champs de blés bien mûrs.
 
Oui, j'aime à me figurer qu'elle tire sa teinte de feu de ces océans de grains éternels ondulant à sa surface. Et qu'ils la font luire dans le ciel depuis des âges immémoriaux.
 
Dorée comme une boule de pain chaud, elle brille au firmament et met en appétit les affamés de rêveries.
 
Et puis lorsqu'elle se change en croissant, c'est nuits de fêtes dans l'empyrée !
 
Un festin sidéral m'apparaît alors, fait d'arc lunaire, de gerbes d'étoiles et de clartés céréalières. Depuis le sol terrestre je perçois ces immensités nourricières semées autour du globe sélène.
 
Un éden d'immortels épis qui enflamment l'astre, éclairent les âmes légères et adoucissent le monde en y répandant leurs rayons de miel.

Et dans mes songes vertigineux, je vogue dans les flots de graminées séléniennes comme une voile d'éther sur une mer de lumière, à la poursuite d'un horizon de féconde et consistante poésie.

mardi 16 août 2022

59 - Lune carrée

La Lune est une tête bien faite pleine de savants calculs, avec des pensées hautement cartésiennes.
 
Grâce à son esprit carré, elle tourne rond autour de la Terre et des hommes qui la peuplent.
 
Ses voyages dans l'espace sont réglés au millimètre. On la croit vagabonde mais à la vérité elle est nette, précise comme du papier à musique, ne déviant pas d'un seul pas de sa vaste course sidérale.
 
C'est un socle de certitudes physiques régi par des lois cosmiques implacables. Un pavé de rigueurs mathématiques. Indélogeable de son assise spatiale.
 
Un passager céleste qui, impassible, poursuit sa route. Invariable, prévisible, aussi certainement qu'un cube comporte six faces identiques.
 
Cet objet ponctuel ne s'aventure jamais ailleurs que là où on l'attend. Tel un dé dûment calibré jeté sur les rails de la réalité, on connaîtra toujours à l'avance son numéro final. La sélène figure fait son show dans l'arène bornée de son destin sans surprise.
 
Elle roule dans les champs strictement encadrés où s'exercent ses forces aux directions bien définies. Il faut savoir que les courbes qu'elle décrit tout au long de sa carrière parmi les autres astres forment, pour ainsi dire, les angles droits de ses limites.

En définitive, et pour être plus clair qu'il ne l'est lui-même, le satellite aux allures tellement sphériques est un corps naturel fondamentalement constitué des mêmes propriétés universelles qu'un parpaing.

samedi 13 août 2022

58 - Lune de miel

La Lune est un rayon de miel dans les champs d'étoiles qui attire à elle esthètes, rêveurs, poètes.
 
Tous, détestant le sucre.
 
Son nectar est amer et beau, âpre et doré, rugueux et grisant.
 
Elle brille comme la pointe d'une épine, pique les coeurs, enflamme les serments d'amour.
 
Et brûle les âmes tièdes de son frêle sourire.
 
Elle ne laisse indifférents que les endimanchés du lundi, les épiciers, les conquérants de sous-préfecture.
 
Et les hôtes des cimetières.
 
Elle n'intéresse nullement les lourdauds aux semelles lustrées. Mais dispense sa liqueur sidérale aux amants des heures indues, aux noctambules dotés de chaussettes trouées, aux insomniaques de l'alcôve.
 
Et, accessoirement, aux sybarites en quête de pactoles nocturnes.
 
Sa lumière ne réveille pas les morts mais dérange les dormeurs. Et éclaire les initiés qui cherchent leur ivresse non au fond des fioles des sombres caves mais dans la blanche clarté de sa face.
 
Tout l'or de Séléné est là : dans son clair de luxe.
 
Le trésor des jardiniers de la nuit, des buveurs de mots, des récolteurs de lumière.

Mais certainement pas des amateurs de guimauve aux doigts tout collants de confiture à la fraise !

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jeudi 11 août 2022

57 - Folle lune

La Lune est une bulle de savante lumière qui s'allume en s'inventant des histoires à dormir dans la boue.
 
C'est un feu poli avec un peu de folie.
 
Mais aussi une tête d'oiseau qui diffuse beaucoup de sagesse. C'est une sphère lumineuse en quête de sommet, voyageant d'horizons vagues en firmaments clairs et d'orbites régulières en rêves étranges. Elle est tout un univers à elle seule, entre nettes abstractions extraterrestres et furtives réalités sidérales, allant de présences spectrales en franches éclipses.
 
Le satellite de notre globe est une horloge volante, un cadran cosmique, une petite aiguille spatiale sonnant les heures cruciales de nos marées qui montent et qui descendent au gré de ses allées et venues.
 
Cette boule qui roule dans le ciel alimente les esprits égarés de ses rayons féconds et met de la joie dans les asiles d'aliénés.
 
Elle fait battre les coeurs de pierre et réconforte les idiots qui lui trouvent des attraits sans fin. Et des traits épais de femme létale.
 
Les enfants cruels aimeraient bien lui arracher ses ailes comme ils le font avec les papillons, heureusement elle vole très haut dans les nues, loin de leurs jeux féroces, hors de l'attraction du monde des loups.
 
Elle demeure sous influence poétique, à mille lieues des pesanteurs de vos maisons et des laideurs de vos raisons.

Elle éclaire pâlement le plancher des vaches et ses lourdauds mais fait briller les âmes légères qui préfèrent quitter le sol pour se hisser à la hauteur de sa folle face.

mardi 9 août 2022

56 - Sombre lune

Je m'enflamme pour une femme à la tête pâle, pour une face hautaine au teint terne, pour un visage à l'air grave, pour des traits aux contours vagues, pour un profil aux allures sépulcrales, pour un front de pierre aux cheveux de lumière.
 
Cette amante aux attraits de tombeau est la reine de mes nuits d'insomnie, la fée morbide et séduisante de ma chambre cafardeuse, la seule lueur d'espoir qui traverse ma fenêtre aux heures nocturnes les plus noires.
 
Elle est le feu de mes solitudes hivernales, l'éclair funèbre et beau de mes pensées mélancoliques, la folie sidérale de mes terrestres tristesses, la brûlure de rappel de mes froideurs de mortel, le réveil lumineux de mes souvenirs sombres.
 
Ses rayons de mort sont autant de caresses cinglantes qu'elle me destine.

C'est ce qui me tient en vie et me donne envie de continuer à chanter ses charmes diaphanes depuis que je l'aime, la Lune.

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dimanche 7 août 2022

55 - Ma vie simple

Seul dans ma demeure comme dans ma vie, dès l'aube je me prépare, heureux, pour la grande rencontre du soir.
 
Toute mon existence est là, à l'orée de la forêt, sous ce toit de chaume et entre ces murs sages, dans la plus stricte simplicité. Entouré de verdure et de solitude, d'azur et de silence, je coule des jours modestes, bien isolé au fond de la campagne. Mes heures passent, chargées de pensées vives et de joies pures.
 
Je tire profit de tout ce que peuvent m'offrir le ciel et la terre : eau et lumière, fruits et légumes. Avec tantôt les douceurs, tantôt les rudesses qui accompagnent ces trésors saisonniers.
 
Et passe le plus clair de mon temps à me tenir le plus proche possible des choses essentielles.
 
J'amasse du bois mort et cultive mes sillons, entretiens l'âme de ma cheminée, prépare mes repas, ramasse ce que je trouve et chante tant que je peux, aussi bien dans la bourrasque de l'automne que dans le crépuscule printanier.
 
Mais mon plus intime bonheur, c'est d'avoir rendez-vous avec la Lune, après ma journée de grâces et de labeur. Comme une prière vespérale, une sorte de rituel plein de flamme et de mystère. Une histoire d'amour entre elle et moi, en somme.
 
Après le souper, j'allume un fagot dans l'âtre et j'attends qu'elle apparaisse derrière mon carreau. De ses premières lueurs elle frappe à ma vitre. Et je l'observe, le coeur comblé jusque tard dans la nuit avant que le sommeil ne m'emporte.
 
Et mon feu se consume doucement.

La cendre éclairée par son visage qui passe, le lendemain ira nourrir les germes de mon jardin.

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jeudi 4 août 2022

54 - Lune de glace

Elle est l'éclat de décembre, le sommet de l'hiver, la flamme des rêves, le phare de la mort.
 
Au fond des nuits de gel, la Lune n'est plus qu'une boule de glace, la brûlure ultime des frileux et le coup fatal pour les moribonds.
 
Le dernier signe dans le ciel avant la tombe, la lueur de froid éclairant les égarés et réconfortant les trépassés.
 
Elle effraie ce qui tremble et blanchit encore plus la neige, accentuant les contrastes de la Terre de sa beauté féroce.
 
Sa lumière est éthérée mais sa gifle cinglante.
 
Ses effets esthétiques ajoutent de la cruauté aux malheurs de la saison.

Mais également de la légèreté dans le coeur des hommes insouciants qui, comme moi, admirent le visage brillant de celle qui jette ses feux funèbres sur les corps givrés des oisillons.

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lundi 25 juillet 2022

53 - Lune blanche

Stimulé par sa présence éclatante, je n'avais d'yeux que pour sa lumière en vogue, elle la reine des corps célestes.
 
Je veillais depuis le crépuscule, admiratif de sa face.
 
Et elle se reflétait dans mon regard sans autre but que de rebondir sur mon front. Je ne fixais plus ni mes pieds, ni le sol, ni mon nombril, tout occupé à lui faire la fête.
 
J'oubliais le jour, laissais de côté mes petites affaires, abandonnais mes artifices sans valeur pour me concentrer sur son visage lacté. Je me laissais électriser à la vue de ses joues au teint de lait. Elle m'avait ôté le sommeil de sa splendeur incolore et les heures passaient jusqu'à l'aube.
 
Je n'étais plus qu'un feu sans fin, une eau sans fond, une onde sans limite. Mes rêves étaient partis et l'horizon nocturne les avait remplacés.
 
Comment aurais-je pu dormir sous les flots d'amour qu'elle m'adressait ? Ma place s'imposait sous la nue, non dans mon lit.

La Lune brillait de sa flamme nivéenne et brûlait mon coeur comme le gel sur une fleur : sous sa clarté excitante je venais de passer une nuit blanche.

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