mardi 18 avril 2023

101 - Vague Lune

Quand la Lune est de sortie dans son ciel mortuaire, elle me visite dans les pesanteurs du deuil et le marbre du silence.
 
Elle parvient à mon chevet entre les brumes des rêves incertains et les hauteurs de la nuit.
 
Pour m'entourer de sa clarté de mourante, me caresser de sa flamme de chandelle, m'éclairer de sa lumière de cave.
 
Et m'enchanter de ses idées lugubres.
 
Elle me révèle alors la profondeur de sa solitude et l'éclat de ses ombres.
 
Et je suis ébloui par ses charmes ambigus.
 
Si sa partie cachée est mystérieuse, sa face visible est trouble.
 
Sous son influence mes ailes sont lourdes mais mon vertige est léger. Emporté par son souffle morbide, je monte irrésistiblement, m'éloigne de mon monde natal, quitte la Terre, attiré par ses sanglots...
 
Mon vol a certes des allures austères, cependant ma joie est aérienne.
 
Bientôt je boirai ses larmes célestes. Je m'approche de plus en plus de l'astre à la vitesse d'un oiseau sidéral...
 
Ca y est, je suis arrivé ! Je me retrouve sur son sol couvert de régolithe, toujours endormi dans mon lit.
 
Un grande histoire d'amour va commencer entre elle et moi.

Il est sept heures du matin, et c'est à ce moment précis que le baiser du Soleil me réveille.

dimanche 12 mars 2023

100 - J'habite sur la Lune

Mon asile est fait de rêve et de poussière.
 
Mon véritable foyer est loin de vos horizons de bovins et de vos raisons de brutes. Vous les gens de la Terre, vous êtes trop étrangers à mes vues sidérales, trop ignorants des réalités subtiles, trop proches de vos semelles de plomb.
 
Vous êtes bêtes sur votre plancher des vaches et je suis brillant sur mon tapis de régolithe !
 
Vous êtes enracinés dans vos routines de vaccinés, enlisés dans vos certitudes de balourds, embourbés dans vos bottes de boeufs tandis que moi, j'habite sur la Lune.
 
Je m'allège et vole dans l'éther lunaire, pendant que vous cultivez des enclumes et que vous vous enivrez de pot-au-feu !
 
Moi, sur mon sol de peu de pesanteur, je plante les graines de ma plume et récolte le pain aérien de la joie la plus éthérée.
 
J'en fais un mets de choix pour mon âme de roi.
 
Depuis que je suis l'hôte du satellite, je ne vous entends plus meugler dans vos petitesses de lourdauds en troupeaux et de boulets au boulot !
 
Vous ne songez qu'à peser encore plus lourd, qu'à devenir de plus prospères épiciers, qu'à sortir de vos têtes des pensées plus épaisses et de vos poches des billets plus gros ! Hermétiques à ma lumière, vous sombrez dans vos pesanteurs de pré-retraités déjà morts !
 
Pendant ce temps je dors et fais fructifier mon bien immatériel.

Sur mon astre, je me situe plus haut que vos oeuvres de béotiens, poursuivant mon chemin dans le ciel incorruptible de la poésie.

99 - Secret de Lune

Quand certaines nuits elle devient souveraine avec sa couronne d'opale et que sa face de reine rayonne, la Lune m'inspire les idées les plus aériennes.
 
Et je deviens une plume.
 
Je m'envole vers elle de mes ailes soudaines. Les mots que je lui destine sont des flammes, des fluides et des flèches : pour me hisser à sa hauteur, mon verbe se fait aussi subtil que sidéral.
 
Je monte en sa direction, chevauchant mon Pégase, c'est-à-dire ma lyre, et lui chante mon sempiternel couplet de brillantes fadaises, ivre de sa lumière de morte, assoiffé de son nectar nocturne, charmé par son visage lourd de mélancolie.
 
Avec son sourire comme un soupir d'esseulée, elle semble m'adresser ses appels de détresse. A moins que ce ne soient des signes d'éternel ennui, d'infinie tristesse, de mortelle lassitude...
 
Ou bien des brûlantes prières d'amour.
 
Bref, elle m'attire et je ne puis résister à ses murmures de marbre, à ses larmes de cendre, à son silence de poussière.
 
Et plus je m'élève vers ses cratères, ses traits de pierre et sa surface fardée de régolithe, plus mon âme se charge d'éther et d'azur, déjà loin de la Terre et de ses douleurs...
 
Etendu sur l'herbe, je contemple sa tête d'ombres et de roches, le regard plongé dans ses yeux pleins de poésie.
 
Et je lis ses pensées cachées en me laissant mollement emporter par le sommeil.
 
Mais je ne vous les dévoilerai point.

C'est un secret entre elle et moi, précieusement logé dans mes rêves.

samedi 11 mars 2023

98 - Les ailes de la Lune

Sur la Lune il n'y a ni fleurs, ni ruisseaux, ni oiseaux, ni la moindre trace de vie. Pourtant elle recèle pour moi mille sources de joie.
 
Il n'y a chez elle que des ombres et du vide, de la sécheresse et du silence, des pierres et un océan de poussière...
 
Et je m'émerveille de ces misères, m'enivre de cette désolation, frissonne de bonheur face à cet éclatant dénuement !
 
Si sur Terre la verdure et l'azur sont les couleurs de la douceur de vivre, le froid et le feu du satellite sont les visages tranchés de la beauté de la mort.
 
Les premiers sont exquis, les seconds vertigineux.
 
Pour la flore riche et nuancée de notre globe bleu, mon coeur bat comme le vôtre, tout banalement. Mais pour les charmes uniformes du sol lunaire, mon âme entre en extase.
 
L'herbe, l'air et l'eau font simplement palpiter ma chair et circuler mon sang, alors que le cratère et le régolithe éblouissent mon esprit.
 
Les uns me mettent du plomb dans la tête et de quoi bien me remplir le ventre. Les autres, me délestant de toutes mes terrestres lourdeurs, me donnent des ailes.
 
Sur notre planète, je suis plein d'artifices et brille parmi mes semblables. Mais pèse autant qu'une statue de marbre.
 
Tandis que dans le désert sélénien, réduis à l'essentiel, j'apparais plus terne à leurs yeux.

Sauf que, devenu beaucoup plus léger, je m'envole.

vendredi 3 mars 2023

97 - Croissant de Lune

Lorsqu'elle apparaît en forme de croissant, la Lune montre un profil cassant.
 
Alors elle devient fine comme une serpe, aussi mince qu'un serpent.
 
Et elle n'est plus qu'une lame dans le ciel des âmes.
 
Enroulée autour de son ombre, la face masquée, le regard dans le noir, elle observe le monde incognito.
 
De son globe on n'aperçoit qu'une ligne trompeuse de lumière qui en dit long sur la complexité de ses figures, de ses allées et venues, de ses phases diverses, de ses visages multiples et de ses messages cachés.
 
Avec ses deux aiguilles apparentes, elle asticote la Terre de ses vers comiques, faisant rimer cosmique avec lombric. Quand elle se pointe ainsi, sa poésie devient acerbe, tranchante, aussi amère qu'hilarante.

Puis elle se change en luth à mesure que sa bordure s'illumine, prend de l'ampleur et finalement s'humanise parfaitement en se transformant, jour après jour, en une belle boule de pain doré.

jeudi 2 mars 2023

96 - Mais d'où vient donc la Lune ?

Elle vient du fond des rêves de je ne sais quelle improbable divinité au nom oublié...
 
Née de ce souffle onirique, issue des brumes créatrices et fabuleuses de cette entité supposée, sortie de la tête lumineuse de ce possible faiseur de miracles, la Lune demeure aussi vague qu'un horizon sans couleur ni relief.
 
Presque virtuelle.
 
Comme faite de vent et de mots creux. Elle est un globe de fumée dans le grand vide de l'espace. Une image sans poids dans ses légèretés de plume. Un visage aux traits anonymes perdu dans la solitude d'un ciel énigmatique.
 
Elle est une lueur qui ressemble à une ombre. Si fade et si peu vivante qu'elle est bel et bien morte depuis sa naissance.
 
Pauvre chose venue au monde pour tourner sans joie autour de notre Terre... Et pourtant ce fantôme qui ne cesse de nous fixer de son regard de pierre nous inspire tant de pensées fécondes et de sentiments élevés.
 
J'ignore d'où sort cet astre de caractère sans artères et troué de cratères, et cependant aussi effacé qu'une face de pucelle, aussi ténu qu'un fétu de paille vu depuis notre sol terrien.

Peut-être, finalement, n'est-il qu'une interminable histoire à raconter dont nul ne connaîtra jamais la fin.

mercredi 1 mars 2023

95 - Lune lointaine

Elle rêve dans l'espace, indifférente aux hommes de la Terre, hautaine avec ses airs d'intouchable, lointaine avec sa face de pierre, glacée avec son regard impénétrable.
 
Elle semble n'aimer que sa solitude, si haut perchée dans son ciel stérile, elle la lueur vouée au néant.
 
Pour qui cette laiteuse figure cosmique brille-t-elle ? A qui cherche-t-elle à plaire ?
 
Elle luit pour les trépassés je crois bien, les vers de terre et tous les cailloux oubliés du monde. Et ne souhaite faire chanter que les drôles d'oiseaux qui lui ressemblent. C'est-à-dire les âmes tristes aux ailes claires, les coeurs lourds aux larmes légères, les visages sombres aux pensées éclatantes.
 
La Lune perdue dans ses horizons obscurs ne songe qu'à des bulles, passant son temps à tourner autour de notre planète en pensant à autre chose.
 
Et elle bée dans le vide car elle est bête en réalité, contrairement à ses apparences de philosophe céleste.

Elle est sotte et belle, stupide et désirable telle une poire, aussi idiote et séduisante qu'une femme dont on est éperdument amoureux.

mardi 28 février 2023

94 - Lune éternelle

Elle fixe la Terre depuis la nuit des temps de son regard éteint et pétrifié, imperturbable, sans souffle et pourtant donnant des apparences de vie, et même de mélancolie.
 
La Lune est une statue sidérale, rien qu'un poids mort dans l'espace, une boule de néant tournant sans but autour des hommes qui l'ignorent ou bien qui l'admirent.
 
Nul coeur ne palpite sur son sol d'ombre et de feu, de lumière et de glace. Aucune présence vivante chez elle, pas même une trace de fantôme. Ni dans ses vallées muettes ni dans son ciel de ténèbres.
 
Dans ses déserts de régolithe, il n'y a que des siècles de silence, des océans de solitude, des immensités de rien.
 
Un éden pour défunts en quête de paix sans fin. Ou peut-être, finalement, le cauchemar des poètes.

L'astre au visage de femme malheureuse attend que passent les millénaires et que s'évanouissent nos rêves d'humains agités, lui qui demeure figé dans ses airs de marbre éternel.

lundi 27 février 2023

93 - Rêve de Lune

Cette nuit j'ai rêvé de la Lune.
 
Fidèle à elle-même, elle était vêtue de brume et de mort.
 
C'est là, en effet, que réside tout son or, sa seule chance de séduire les mortels, qu'ils soient éveillées ou bien endormis.
 
Avec sa funèbre parure, ses morbides allures, ses sombres habitudes, sous mes paupières fermées elle me charmait et m'effrayait en même temps.
 
Morne et belle, triste et légère, froide et lumineuse, elle faisait briller mon sommeil ainsi qu'un soleil. Dans ce songe où elle me visitait, elle semblait vivante et non pas défunte comme dans la réalité.
 
Sa face apparaissait sèche et dure, cependant animée d'un souffle d'amour.
 
Sa tête de clown sidéral me faisait peur mais ses airs d'amante fatale m'attiraient. Elle s'approcha de moi tout en s'agrandissant, et bientôt devint un astre immense emplissant tout le ciel...
 
Elle venait de m'aspirer doucement et je me retrouvai sur son sol, telle une plume posée sur une feuille blanche.
 
Et c'est ainsi que commença mon voyage dans les profondeurs oniriques où m'avait entraîné le globe spectral.

Si loin, qu'à mon retour à l'aube, j'avais tout oublié, assis sur mon lit, partagé entre incrédulité et enchantement, ne sachant si j'avais dormi avec Séléné en personne ou en compagnie de ma solitude.

dimanche 26 février 2023

92 - Lune des rêves

Elle monte comme une bulle de miel dans le ciel  de la nuit, aussi glacée que la mort dans sa robe funèbre, plus belle que jamais avec ses cratères aux ombres brutales.
 
Une fois au zénith, elle rayonne de sa lumière morbide.
 
Et de sa flamme froide, elle met le feu aux âmes fragiles, fait sursauter les dormeurs au coeur trop léger et emporte dans son royaume mélancolique les amoureux alcooliques qui n'ont plus que de l'eau chez eux, afin de les nourrir de sa face couverte de brillantes chimères...
 
La Lune est la reine des rêves, la vraie lyre qui délivre les vivants de leurs lourdeurs. Elle est le livre ouvert de tous les délires vagues qui ne sont pas en vogue sur Terre mais en vigueur dans les hauteurs.
 
Elle est une boule de songes où vont se loger les malheurs de l'homme de la rue, s'évaporer les souvenirs des étourdis, se construire les châteaux des élus aux ailes de libellule...
 
C'est encore une sphère austère où les cauchemars deviennent de la guimauve et les grenouilles des lanternes vertes.
 
Bref, le globe lunaire est un masque mortuaire aux effets vivifiants et thérapeutiques qui attire à lui haricots et asticots de tous poils pour en faire des entités de plume pure.

Elle est une hotte à images qui déverse ses flots d'irréalités et d'hilarité sur le monde des mortels, afin de réveiller les faucheurs de poésie parfaitement inconscients et d'endormir les sonneurs de cloches à l'oreille devenue trop dure.

vendredi 24 février 2023

91 - La Lune dans le bleu

Quand elle est visible en plein jour, la Lune noyée dans l'azur prend des apparences de fée des airs.
 
Avec ses allures de déesse des nuages, elle se fait plus discrète au regard des hommes, mais n'est pas moins présente au sommet des nues, impériale avec ses ailes de papillon, pleine de légèreté, plus blanche que jamais.
 
Le front poudré de brume, l'oeil vague, elle semble se gorger de la lumière de midi pour mieux la restituer lorsqu'il fera nuit et briller tout à fait.
 
Mais pour l'heure, elle vogue sur la mer aérienne comme pour se faire oublier des mortels tout en s'enivrant de clarté.
 
En se dissimulant ainsi dans le bleu, elle prend le temps de boire l'eau du ciel pour se saouler de beauté. Elle attend simplement que vienne le soir : dès le crépuscule, elle sera en effet plus à son avantage pour luire, vêtue de son habit de flamme, et devenir un pur rêve dans la tête des dormeurs, une pierre aux yeux des veilleurs.
 
C'est là, une fois l'océan céruléen évanoui, enfin revenue dans le noir, qu'elle se montre vraiment à qui veut la voir sous son vrai visage.

Non plus avec des traits célestes mais avec une face d'ogresse à la gueule de feu.

mercredi 22 février 2023

90 - Lune ultime

J'étais seul, elle brillait au-dessus des misères humaines comme une reine du silence au coeur de la nuit.

Nos regards se croisèrent, elle avec son visage plein de cratères, moi avec ma face d'oiseau perdu. Je lui adressai mes sentiments les plus clairs, elle me renvoya sa lumière de cendre.
 
J'en fus effrayé et ravi.
 
Nous nous compriment instantanément comme deux spectres égarés.
 
A trois heures du matin le monde n'était qu'un cimetière de dormeurs et en sa compagnie je devenais le seul vivant de la Terre.
 
Des ailes naissaient en moi, et je savais que leur raison d'être, c'était de la rejoindre elle, la Lune bien-aimée aux joues de femme, au front de rêve, aux rayons de mort.
 
Son sourire sans vie me charmait, je n'avais plus qu'à attendre son baiser glacé pour me sentir de pierre et d'azur et me fondre dans sa molle clarté, l'âme aussi légère que l'éther, et enfin lui ressembler tout à fait.

J'étais déjà haut dans le ciel de mes pensées pures, lorsque je tombai à terre, endormi, terrassé par le choc de sa radicale Poésie.

samedi 18 février 2023

89 - Lune absente

Quand elle est loin de mon sol de lourdeur, hors de vue, cachée par une nue opaque ou rendue invisible dans le ciel capricieux, ma flamme pour elle chancelle et d'autres feux en moi s'allument pour d'autres astres...
 
Alors, infidèle, frivole, volage, je lorgne les étoiles, oubliant bien vite celle pour qui je brûlais il y a trois jours encore...
 
Reniant les mille promesses faites sous sa clarté solennelle, je m'envole vers ces stellaires horizons, plus léger que jamais, ivre de découvertes, enfiévré par l'inconnu, attiré par le mystère.
 
Et je me perds dans les milliers de pointes de lumière, ne sachant sur laquelle me fixer, sans cesse tenté par l'une ou par l'autre, dans l'impossibilité de choisir mon point d'ancrage céleste, étourdi par ces myriades d'étincelles toutes aussi séduisantes les unes que les autres...
 
Et je passe d'une blanche à une bleue, d'une ardente à une paisible et d'une unique à une double sans jamais parvenir à élire celle qui comblera mon coeur de renégat.
 
Et puis lorsque réapparaît enfin la Lune, mes ardeurs endormies se réveillent et je n'hésite plus, je redeviens l'admirateur éperdu de sa face qui trône au zénith.
 
Je ne vois plus les lointains soleils qu'elle occulte de sa triomphante clarté.

Et mon regard n'est plus que pour sa seule présence retrouvée.

mardi 14 février 2023

88 - La Dame dans le ciel

Pas une fois, Madame, vous n'avez manqué un rendez-vous avec le calendrier.
 
Vos apparitions furent toutes honorées à dates fixes. Jamais vous ne vous êtes désistée lorsque je vous attendais, moi aussi, là où vous deviez être.
 
Et vous avez brillé, monté, brûlée. Et j'ai admiré, rêvé, bâillé.
 
Et lorsque vous disparaissiez de ma vue, c'était prévu aussi ! Avec vous, nulle mauvaise surprise. L'enchantement est permanent.
 
Où que vous soyez, vous rayonnez. Même lorsque vous vous faites plus obscure, vous avez de l'éclat, de l'allure, plein de charme.
 
J'ai passé des heures à vous fixer, l'air béat, comme si j'étais resté des siècles à ne rien faire d'autre. Quand je suis en votre compagnie, je lève les yeux vers vous seule et n'ai plus de temps pour regarder ailleurs. Vous devenez alors le centre de l'Univers, la seule clarté vers laquelle je me tourne.
 
Votre visage me fascine, vous avez une tête vague, des pensées mystérieuses, un pouvoir étrange et puissant : celui de vous faire aimer des visiteurs de la nuit, des éplorés, des esseulés, des hôtes des caves et des ombres des bois, des éveillés et des endormis...

Vous parvenez à faire sortir de leurs trous les oubliés du jour et les inconnus du quotidien. Et je suis là, attentif à la moindre de vos lueurs, au plus infime de vos signes, moi l'amoureux de votre lumière, vous la Lune.

mercredi 8 février 2023

87 - Evasion

Souvent, trop las des pesanteurs de la Terre, avide d'horizons clairs et de silence glacial, je m'endors et m'envole vers mon refuge pétrifié qu'est le globe lunaire.
 
Arrivé sur son sol de neige et de plume, je deviens aussi léger qu'un rêve d'oiseau et je m'évade, porté par mes ailes oniriques.
 
Alors je parcours ce monde plein de lumière et de mort, de poussière et d'ennui, de sécheresse et de mélancolie, l'âme paisible, les terrestres lourdeurs enfin oubliées...
 
Depuis les mollesses de mon lit, je traverse des paysages âpres, semés de roches et hantés par d'invisibles présences que l'imagination perçoit derrière chaque forme, chaque ombre, chaque pierre.
 
Et je vois des étranges beautés, sens de mystérieuses étreintes, entends d'inexplicables voix. Comme si je me dirigeais vers un jardin d'olympe peuplé de poètes et de muses, de bardes et de femmes aux cheveux de fées...
 
Et je chemine sur Séléné, le coeur illuminé de clartés nouvelles, les semelles blanchies de régolithe, le sommeil profond.
 
Je m'enfonce loin dans les espaces inexplorés de la Lune, là où je crois que l'on m'attend.
 
Depuis une éternité.

Je poursuis ainsi longuement ma route vers ces sommets de ma conscience allumée. Jusqu'à ce que je me réveille au petit matin, le front en flamme, les pieds gelés.

vendredi 3 février 2023

86 - Beauté morbide de la Lune

La Lune est ma compagne préférée. Quand elle apparaît, je pâlis, brûle, tremble et rêve.
 
Avec elle, ma fièvre est tantôt folle, tantôt lumineuse, parfois triste, souvent légère. Mais toujours sacrée, magistrale, céleste.
 
Sa femelle clarté illumine mes égarements nocturnes et m'ôte le sommeil telle une amante en attente d'attention.
 
Elle assombrit également les campagnes de sa minérale mélancolie et éblouit les âmes moribondes.
 
Par ailleurs, elle éclaire les chemins incertains et trouble les esprits subtils, ferme les accès prosaïques aux balourds et ouvre les portes aériennes aux rats.
 
Astre lyrique aux charmes multiples, elle séduit aussi bien les romanichels que les châtelains. Mais déplaît résolument aux dormeurs qui ont le sommeil trop lourd et oublient bien vite leurs songes de la nuit...
 
Morte et belle, froide et brillante, pétrifiée et caressante, elle trône, royale, dans mon coeur vaste et esseulé, telle une tête de momie sidérale sur un champ de pierres.

Elle dépose sa lumière sur notre Terre et l'embaume de son parfum onirique, comme un diamant  funèbre qui jetterait ses éclats mortuaires sur le visage des vivants.