Quand elle prend la forme d'un bouclier de lumière, la Lune éclate parfois
de colère dans la nuit.
Sûre de sa cause, elle part alors en guerre contre les indifférents aux
semelles de plomb, les lourdauds au coeur borné, les pragmatiques aux bottes
hautes et aux vues basses qui ne perçoivent en son disque qu'une source
d'inutilité, un point de non intérêt, un objet négligeable, une perte de leur
précieuse attention dirigée vers le sol.
Elle leur destine la foudre rédemptrice de ses clartés nocturnes les plus
tranchantes, les flèches chargées de fiel de ses rayons de miel, le feu cinglant
de sa face aussi pâle qu'un létal champignon.
Elle jette sur leur front des reflets brûlants de vérité en espérant que
ces derniers éclaireront leur âme flasque d'âne en quête de carottes à leur
portée.
Le globe lunaire, du haut de ses exigences d'astre à part, livre à ces
molles consciences d'impitoyables batailles esthétiques, de féroces combats
contre leur inertie poétique. C'est la lutte entre le Beau et leur laideur, le
luth qui se mesure à leurs bulldozers.
Et Séléné répand inlassablement ses éclats sur la Terre et ses hôtes
prosaïques comme autant de flammes sur un désert de chardons.
Tandis qu'elle est là, si évidente et pourtant si invisible, et qu'elle n'a
plus assez d'arguments pour convaincre les matérialistes les plus endurcis de sa
présence et les forcer à lever les yeux au ciel, elle frappe un grand coup :
elle s'éclipse.
VOIR LA VIDEO :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire